Respect pour cette moitié de la société !
Par HASSAN EL ARCH
Directeur de la Rédaction
direction@letempsmag.ma
La boucle est donc bouclée et la remontée des informations actée. Après six mois d’intenses «brainstormings» autour de la Moudawana, les forces vives de la Nation avec ce qu’elles comptent comme sages, chercheurs, penseurs, prescripteurs d’opinion et autres dépositaires du prestige académique, ont remis leur copie à l’Instance chargée de la révision du Code de la Famille. Le Chef du gouvernement, Aziz Akhannouch, en a recueilli la quintessence, il y a quelques jours, en vue de rendre compte au Souverain du résultat des consultations.
Un délai de six mois a été fixé pour ce processus. La haute appréciation Royale déterminera, le moment venu, ce qui sera maintenu ou changé dans le corps du texte fondateur. On comprend que la fébrilité soit perceptible dans les rangs des modernistes comme parmi les conservateurs. Il s’agit là de la seconde dynamique de réforme de la Moudawana, après celle de 2004. Une vingtaine d’années de débats qui sont allés crescendo jusqu’au point limite où apparaît la nécessité d’une refondation ou, à tout le moins, des ajustements significatifs.
Les 20 millions de femmes qui composent la moitié de la société attendaient ce processus depuis presque une génération. Les associations de défense des droits des femmes n’ont jamais baissé les bras dans ce qu’il convient bien d’appeler la mère de toutes les batailles. C’est d’ailleurs le titre générique du dossier que nous consacrons à la question, dans ce numéro (pages 16 à 27). Le débat autour de la Moudawana a mis en ébullition la société civile, mais il a aussi et surtout fait remonter à la surface un malaise social qui enfle depuis une vingtaine d’années. À quel progrès, à quel développement peut-on prétendre, en effet, si la moitié de la société reste en attente d’une mise à niveau existentielle ?
Toujours les mêmes frustrations sont exprimées au sein de cette demi-société que sont les femmes, les épouses, les sœurs, les filles, les mères, les grand-mères, les petites filles… Et ces frustrations sont d’autant plus fortes qu’elles émergent lorsque l’institution du mariage puis celle de la famille révèlent le hiatus en termes de droits et de privilèges, entre l’homme et la femme. Depuis plusieurs années, de nombreuses ONG féministes pointent du doigt des lacunes dans la réforme du Code de la Famille de 2004, en particulier en ce qui concerne le mariage des mineurs et la polygamie, sans parler de la question successorale et de la tutelle des enfants.
Comme on le souligne dans notre dossier, au-delà de tout débat passionnel et au regard de l’évolution de la société marocaine, de l’augmentation des divorces, de la multiplication des familles nucléaires et de la hausse des ménages financés par des femmes, il était temps, plus que temps, de procéder à un auto-examen pour corriger certains dysfonctionnements, tout en restant dans les limites des commandements divins. Et c’est là, au demeurant, tout le propos ! Il ne s’agit pas d’importer des modèles occidentaux prêts à l’emploi, qui insulteraient notre identité et nos valeurs. Il s’agit d’améliorer le vécu des femmes dans la société, reconnaître leur centralité dans l’équilibre de la famille et leur témoigner davantage de respect pour ce rôle cardinal, entre tous !