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PATRIMOINE

Festival de Fès : une clôture en apothéose entre poésie persane, mémoire griotique et transe soufie

La 28ème édition du Festival de Fès des Musiques Sacrées du Monde s’est achevée, hier samedi, dans une atmosphère d’élévation et d’émotion profonde, offrant au public une soirée d’une rare intensité spirituelle. Trois spectacles, trois univers, trois traditions musicales majeures ont ponctué cette dernière journée du Festival des Musiques Sacrées du Monde de Fès, offrant au public une fresque sonore qui traverse continents, époques et cultures.

À 17h, dans l’écrin verdoyant de Jnan Sbil, la délicatesse des chants persans a ouvert le bal avec grâce et émotion.

Puis, à 21h sur l’esplanade majestueuse de Bab Al Makina, la puissance évocatrice des griots d’Afrique de l’Ouest a résonné avant de laisser place à l’énergie mystique et envoûtante de la Confrérie Aïssawa. Une clôture en forme de voyage initiatique au cœur des musiques de l’âme.

Chants et poésies de Perse : la grâce d’un héritage en mouvement

C’est la voix cristalline de Sara Eghlimi, accompagnée par Milade Mohammadi au “târ”, Alireza Meghrazi au Kemanche et Roshanak Rafani aux percussions, qui a ouvert la soirée. Portée par une nouvelle génération de musiciennes et musiciens iraniens, cette formation incarne une tradition millénaire en pleine renaissance.

En mêlant le chant libre «âvâz» et le répertoire composé «tasnif», le groupe a offert une interprétation sensible de la musique savante persane, empreinte de mysticisme et de romantisme oriental. Chaque note semblait invoquer les grandes figures de la poésie classique, d’Hafez à Rûmî, dans une recherche d’authenticité émotionnelle plus que de fidélité figée à la tradition. Le public, suspendu aux inflexions subtiles du chant, a vibré au rythme d’une musique à la fois savante et viscérale, méditative et intemporelle.

La grande nuit des griots : entre mémoire, engagement et transmission

Place ensuite à l’Afrique de l’Ouest, à Bab Al Makina, avec une rencontre magistrale entre le Mali et le Ghana. Le maître de la kora Ballaké Sissoko, entouré de son ensemble, a dialogué avec Osei Korankye, l’un des rares virtuoses de la harpe Seperewa, emblème musical du peuple Ashanti.

Dans cette grande nuit des griots, les spectateurs ont été transportés au cœur d’un monde où la musique est parole, et où la parole est sacrée.

Les griots, véritables gardiens de la mémoire collective, ont chanté l’histoire de Soundiata Keïta, la grandeur du fleuve Niger, les douleurs de l’exil, mais aussi les défis contemporains : le changement climatique, les mines illégales, les fractures sociales.

La kora, avec ses 21 cordes et son timbre hypnotique, n’accompagnait pas la voix : elle la prolongeait, la densifiait, en devenant elle-même récit. Les pièces interprétées (Odibadiourou, Koulandjam, N’todamana) ont rappelé combien cette tradition orale, bien qu’évolutive, reste un socle essentiel de l’identité culturelle mandingue.

Les Nuits Soufies : la transe mystique des Aïssawa

La soirée s’est conclue dans la ferveur avec la Confrérie Aïssawa de Meknès, figure incontournable du soufisme marocain. Véritable immersion dans la spiritualité populaire du Royaume, la prestation a commencé dans une atmosphère solennelle pour s’élever progressivement vers la transe, portée par les tambours “t’bal”, les “ghaitas” puissantes et les invocations collectives.

Leur présence à Fès, ville sainte et cœur battant du patrimoine spirituel marocain, prenait ici tout son sens.

Le public, conquis, s’est laissé emporter dans ce tourbillon sonore et émotionnel, où les frontières entre scène et auditoire s’effaçaient dans un moment d’unité profonde.

LAIDIA FAHIM 

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