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EDITO

Avons-nous dépassé le «PNR» ?

PAR HASSAN EL ARCH

Un vieux dicton marocain qualifie les choix que l’on est amené à faire quand l’indécision paralyse trop longtemps les actes : «Rebha wella Debha !». On peut en traduire la substance par un approximatif «Jackpot ou hara-kiri !». Mais pour faire simple, disons tout simplement : «Ça passe ou ça casse !».

C’est le titre que nous avons mis en couverture de ce numéro et en préambule de notre dossier central aussi. Il résume en quelques mots un dilemme cornélien. Celui auquel se retrouve aujourd’hui confronté le gouvernement El Othmani. Sa gestion de la crise sanitaire et de tous ses effets transversaux et collatéraux tient de l’inédit. Jamais, de mémoire de Marocain, un Exécutif n’aura été autant sur le gril ! Tout se passe, depuis quelques semaines, comme si les décisions liées à cette crise échappaient à la logique et au bon sens. Ça passe ou ça casse…

On empruntera aux pilotes la notion du fameux «PNR» (point de non retour) à partir duquel il devient impossible de revenir en arrière parce que l’on s’est engagé trop loin. En l’occurrence, ce «PNR» a été franchi lors du récent passage à la troisième phase du déconfinement. Et l’on sait ce qu’il était déjà advenu depuis la deuxième phase entre relâchement d’une partie de la population, envolée des cas de contamination et éclosion de clusters industriels et familiaux.

Reconfiner le peuple ? Le gouvernement a beau menacer de refermer des quartiers entiers, voire des villes ou des régions, la marge de manœuvre est horriblement étroite puisqu’on ne peut suggérer la chose et défendre son contraire. Or, les effets de la «Covid-19» sur l’économie sont tels que le PIB est déjà au régime et que les Marocains ont été priés de reprendre le travail pour limiter la casse. Les astreindre de nouveau à domicile ? Alors qu’on déverrouille les frontières ? Qu’on réhabilite les plages ? Qu’on rouvre les mosquées ? Qu’on maintient Aïd Al Adha ? Sûr, ça passe ou ça casse…

Depuis l’aube du dimanche 19 juillet, le pays est pratiquement revenu au rythme de vie sociale d’avant le 20 mars. Sociale seulement, car sur l’économie, les affaires, le commerce, l’industrie, les investissements, il faut faire son deuil de l’exercice 2020 et probablement d’une bonne partie de 2021 aussi. Socialement, un semblant de normalité revient dans l’air et c’est tant mieux pour le moral. Les Marocains sont de bons vivants, aiment recevoir, voyager, faire la fête, se divertir. Quoi de plus humain ? Coronavirus ou pas, ils renoncent difficilement à ce qui donne du sens à leur quotidien. Des cas de suicides ont été rapportés durant les mois de confinement. Des cas de dépression plus nombreux encore ont été signalés. Et assurément les trois-quarts de la population marqués à vie par cette expérience.

Retrouver le rayon de soleil sur une terrasse de café, la vue de l’horizon marin ou la joie toute simple de serrer un parent contre son cœur tient de la catharsis, ces jours-ci. Allez dire aux gens de se reconfiner… Et, ce faisant, gripper de nouveau la mécanique de l’économie. Choix cornélien. D’autant que cette troisième phase n’est pas un blanc-seing de liberté reconquise. Au demeurant, le restera-t-elle après le 10 août, date d’échéance de l’état d’urgence ? Ça  passe ou ça casse !

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