30 + 30 + 20 + 30

PAR HASSAN EL ARCH
Voilà un record mondial dont le Maroc se serait bien passé ! 110 jours de confinement. Quatre périodes consécutives depuis le 20 mars : 30, puis 30, puis 20, puis enfin 30 jours. Enfin ? C’est à voir ! Théoriquement, le peuple sera libéré le 20 juillet prochain et la vie devrait reprendre son cours normal dans les 12 régions du Royaume. Quoique de l’avis de tous – experts et profanes – rien ne sera plus jamais normal, dorénavant. Il y aura bel et bien un avant et un après-«Covid-19». Mais disons-nous bien que ce triste record du monde pourrait être encore «amélioré» si le gouvernement décide, le 20 juillet, que la situation épidémiologique n’est pas suffisamment rassurante et qu’il faut prolonger encore l’astreinte à domicile de 36 millions de Marocains. C’est le compteur quotidien du ministère de la Santé qui en décidera !
Le scénario n’est ni impossible ni surréaliste. Ce qui a permis à l’Exécutif d’adopter, il y a quelques jours, ce fameux décret «2.20.406» portant prolongation de l’état d’urgence sanitaire dans l’ensemble du territoire national servira, si nécessaire et de la manière la plus institutionnelle, à décréter une cinquième saison dans la saga covidienne. Nous voici donc toujours en sursis dans un état d’urgence stressant, pénible, déprimant pour tout dire.
Un juriste au long cours, Abdellatif Laamrani, brillant avocat marocain aux Barreaux de Casablanca, de Paris et de Montréal, nous apprend qu’il existe une «lacune» méconnue, voire inconnue pour le commun des gens : la Constitution de 2011 ne prévoit pas l’état d’urgence, qui est du ressort de l’institution parlementaire. Autrement dit, les députés n’ont pas eu vraiment leur mot à dire dans la gestion de la crise née de la pandémie. Tout se passe comme si le gouvernement prenait, seul à la barre, les décisions qui engagent le pays et la vie des citoyens. Plus précisément, la décision de reconduire l’état d’urgence et de maintenir encore le confinement, même dans un format assoupli dans certaines villes du pays.
L’appréciation des enjeux est évidement très compliquée pour qui ne peut prendre le recul nécessaire. Le coronavirus tue beaucoup de gens. C’est un fait. Une économie à l’arrêt tue tout autant ! Et génère des effets sociaux et psychologiques sans doute plus dangereux encore. C’et un fait aussi. Des Etats très avancés ont fait ce choix cornélien et l’ont assumé envers et contre leurs propres opinions publiques : revenir à une vie normale pour sauver les fondamentaux de l’économie, au risque d’aggraver la transmission de la maladie. D’autres pays ont raisonné à l’envers, estimant que si la santé et la survie de la population est en jeu, la notion même de vie normale n’a plus aucun sens. Le Maroc semble évoluer, pour l’instant, entre ces deux extrémités dans une démarche précaire. Ce n’est pas une mauvaise chose… Et si le prix à payer pour en finir avec le «Covid-19» est une rallonge d’un mois au chaud, eh bien peut-être que ce ne sera pas cher payé lorsqu’en juillet prochain, les Marocains pourront de nouveau aller travailler, se rendre visite, faire du sport et su shopping, voyager et renouer avec les plaisirs simples de «la vie d’avant».
En attendant, chacun se fait sa propre opinion sur la question. Nous sommes en démocratie. Ceux qui se disent contre le principe du confinement ont leurs raisons. Ceux qui, au contraire, le défendent bec et ongle ont les leurs. Ce qui est définitivement certain, c’est que ces parenthèses virales ont changé notre vie et refaçonné notre mode de pensée. De manière irréversible. Dans l’épreuve, nous avons beaucoup appris sur nous-mêmes. Qu’on le veuille ou non, le «Covid-19» a révélé ce qu’il y a de meilleur en chacun de nous comme ce qu’il y a de pire ! Aider son prochain, protéger sa famille, respecter son voisin, compatir pour les plus vulnérables, travailler et produire à distance, booster sa créativité personnelle, avoir de l’empathie pour les membres de la communauté… Mais malheureusement aussi, sur l’autre versant de la réalité, dépenser sur le web une énergie ahurissante à descendre en flammes tout ce qui bouge, empoisonner l’opinion publique à coups de fake news, faire la nouba dans le quartier en plein confinement pour transmettre, ce faisant, le virus à tout le voisinage, battre sa femmes et ses gosses parce que les plombs finissent par sauter à la vision permanente des mêmes murs…
Oui, nous avons beaucoup appris sur nous-mêmes. Capitalisons donc les leçons à partir du 20 juillet. Mais pour que ce soit possible, encore faut-il être à la hauteur de la responsabilité qu’attend notre pays de chacun de nous. Que l’on ait «l’avantage» de résider en Zone 1 ou «la poisse» d’habiter en Zone 2.