Rendre visible le travail «invisible» des femmes

Par HASSAN EL ARCH
Directeur de la Rédaction
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La femme qui est épouse et mère, entretient son foyer, éduque ses enfants, soigne son mari, fait la cuisine pour sa petite tribu et s’investit totalement dans son statut familial, cette femme est-elle traitée comme il se doit par la société ? Est-elle reconnue avec justesse et justice dans son extraordinaire dévouement ? Rien n’est moins sûr. D’où la question de savoir si une femme, active et salariée ou «assignée» aux tâches ménagères dans le foyer, a droit à une rétribution, un «dédommagement» en quelque sorte, pour les corvées domestiques qu’elle endosse, tous les jours que Dieu fait…
Cette question est posée depuis une éternité. La réponse, on s’en doute bien, n’est guère aisée. La société a enfermé la moitié de l’humanité dans un carcan de servitudes conjugales et maternelles où fleurissent les clichés, les idées reçues et les pesanteurs patriarcales. La question a été posée dans le cadre d’un intéressant conclave organisé à Casablanca, à la veille de la fête du Travail, par l’Association Tahadi pour l’Égalité et la Citoyenneté. Une initiative inédite pour dénoncer un malaise vieux comme le monde… En l’occurrence, l’«invisibilisation» du travail domestique accompli chaque jour par des millions de femmes au Maroc. Avec le soutien d’ONU Femmes Maroc, l’ONG a dévoilé une campagne nationale percutante qui repose sur un symbole fort : un «tablier-manifeste» où une fiche de poste de travail fictive est sérigraphiée, listant les tâches assumées au quotidien par les femmes dans les foyers.
Cuisinière, éducatrice, infirmière, intendante, planificatrice… Autant de rôles endossés sans reconnaissance ni rémunération. À travers cette «fiche de poste» imaginaire, l’Association Tahadi pour l’Égalité et la Citoyenneté veut alerter l’opinion publique sur l’ampleur d’une charge invisible qui soutient, silencieusement, la stabilité des familles et de l’économie. «L’initiative s’inscrit dans notre engagement à faire progresser l’égalité entre les femmes et les hommes au Maroc. En rendant visible le travail invisible, nous contribuons à déconstruire les stéréotypes et à poser les bases d’un nouveau contrat social au sein des foyers», assène Bouchra Abdou, directrice de l’Association Tahadi pour l’Égalité et la Citoyenneté.
Une mise en contexte s’impose, vu l’importance du sujet. En effet, selon le Haut Commissariat au Plan (HCP), les femmes au Maroc consacrent en moyenne 5 heures par jour aux tâches domestiques, contre à peine 43 minutes pour les hommes. Un déséquilibre massif qui freine l’émancipation économique des femmes et perpétue des inégalités de genre structurelles.
«Ch9a Dare Machi 7ogra» («Le travail à la maison ne doit pas devenir une injustice»), la campagne s’étend jusqu’en septembre 2026. Elle vise à réduire d’au moins une heure par jour la charge domestique supportée par les femmes dans les foyers.
Terminons ce plaidoyer en rappelant que ce projet s’inscrit dans le programme régional «Dare to Care» d’ONU Femmes. Qu’on le veuille ou non, un changement structurel s’impose : reconnaître, valoriser et partager équitablement le travail domestique. Car, en définitive, tout travail mérite reconnaissance et justice ! Et sans équité à l’intérieur du foyer, l’égalité dans la société restera toujours une chimère…