Film «Triple A» : un succès inattendu au box-office
Avec plus de 10 semaines de projection ininterrompue dans les salles de cinéma marocaines, le film «Triple A», réalisé par Jihane El Bahhar (photo), s’impose comme un phénomène cinématographique. Mélange subtil de drame et de comédie noire, le film a su captiver l’attention d’un large public tout en suscitant l’admiration des critiques. Une performance exceptionnelle, en particulier dans un contexte où les productions étrangères et les nouvelles habitudes de visionnage rendent l’industrie cinématographique locale plus compétitive que jamais.
«Triple A» raconte l’histoire de trois personnages marginaux dont les vies se croisent de manière imprévisible, dévoilant des réalités poignantes sur la lutte pour l’amour et la survie dans un monde en crise. Le film, qui aborde des thèmes sociaux sensibles comme la pauvreté, l’espoir et la quête de sens, a su toucher les spectateurs marocains grâce à la profondeur de son récit et à l’humanité de ses personnages. La réalisatrice Jihane El Bahhar, fidèle à son style, réussit à combiner une critique sociale acerbe avec une narration intime et émotive.
Les performances des acteurs principaux, notamment Majdouline Idrissi, Aziz Dadas et Khalil Oubaaqi, ont été saluées pour leur authenticité et la complexité des personnages qu’ils incarnent. En particulier, Majdouline Idrissi a été récompensée par le prix de la deuxième meilleure interprétation féminine au Festival National du Film de Tanger pour son rôle de Souad, une infirmière complexe et bouleversante. Khalil Oubaaqi a également été honoré pour son interprétation de Naïma, un personnage d’une grande humanité.
La reconnaissance de «Triple A» dépasse les frontières du Maroc. Le film a participé à plusieurs festivals prestigieux, récoltant de nombreux prix et distinctions. À Tanger, il a remporté des prix dans plusieurs catégories, dont le prix du meilleur scénario pour Jihane El Bahhar et Nadia Kamali. Le long-métrage a également été acclamé à l’international, remportant des prix au Festival International du Film de Soho aux États-Unis, au Festival du Film Maghrébin d’Arleem aux Pays-Bas et au Festival International de Naples en Italie. Ces distinctions témoignent de la portée universelle du film, qui résonne bien au-delà des frontières culturelles et géographiques.
Loin des clichés habituels du cinéma commercial, le film propose une vision réaliste et crue de la réalité sociale marocaine. Le long-métrage met en lumière les luttes intérieures et les souffrances des personnages, tout en offrant un regard critique sur la société. À travers son mélange de drame et de moments de comédie noire, le film dresse un portrait sans fard de la pauvreté et des inégalités sociales. Il n’hésite pas à aborder des sujets souvent évités dans le cinéma populaire, offrant une réflexion profonde sur les dérives de la société contemporaine.
Le critique de cinéma Mohammed Bakrim note, dans son appréciation de «Triple A», la maîtrise avec laquelle Jihane El Bahhar illustre la «marge» et ses personnages, tout en soulignant les dimensions sociales et politiques sous-jacentes de l’intrigue. Quant à Sheena Oberoi, critique de cinéma américaine, elle salue la capacité de la réalisatrice à capturer l’émotion et la profondeur de ses personnages, créant ainsi une œuvre cinématographique riche et humaine.
«Triple A» n’est pas simplement un film. C’est une véritable expérience humaine. Il raconte l’histoire de personnages en quête d’identité, d’amour et de rédemption, tout en exposant les réalités brutales d’un monde qui laisse trop souvent les plus vulnérables de côté. Pour la réalisatrice Jihane El Bahhar, le film est une manière de «tendre un miroir à la société», de donner une voix aux marginalisés et de rendre hommage à leur lutte.
Alors que le film continue de séduire le public marocain et de briller à l’international, «Triple A» s’impose comme un exemple de cinéma engagé, sincère et profondément humain. Il rappelle l’importance de raconter des histoires qui résonnent avec la réalité de ceux qui, souvent, sont invisibles aux yeux de la société.
En définitive, pour ceux qui n’ont pas encore vu «Triple A», le moment est venu de découvrir ce film inoubliable qui va bien au-delà de son statut de succès commercial pour devenir une œuvre essentielle du cinéma marocain contemporain.
L. F.