Du dialogue de sourds au dialogue social

Par HASSAN EL ARCH
Directeur de la Rédaction
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C’est un sport national dans tous les pays, et ça l’est au Maroc comme partout ailleurs. Les partenaires sociaux aiment le crêpage de chignon ! Non pas tant par conviction, mais par habitude, par pesanteur… Ça en devient presque un schisme. D’un côté, les salariés et les centrales syndicales, de l’autre, les patrons d’entreprises; et au milieu, le gouvernement qui joue historiquement à l’équilibriste. Un cliché certes, mais tenace depuis le début de la révolution industrielle jusqu’au modèle de l’économie numérique.
Au Maroc, les partenaires sociaux ne font pas autre chose que se crêper le chignon depuis des décennies, mais ils veulent donner à croire, aujourd’hui, que le dialogue social a enfin du sens et que la culture de l’affrontement cède réellement la place à l’écoute réciproque. Qui en serait dupe ? L’ADN des syndicats est ce qu’il est, le dogme du patronat reste égal à lui-même et la mission du gouvernement consiste toujours à contrôler la criticité des événements… Mais bon, on veut bien croire qu’un vent nouveau se lève, que le signal du 30 avril dernier était sérieux et que celui du 14 septembre est crédible. Ce qui s’est passé entre les deux dates est intéressant. Le dialogue social a, en effet, été renoué au début du printemps et un deuxième round a démarré à la fin de l’été.
D’un point de vue psychologique, c’est un déclic qu’on ne peut pas ignorer. Les spécialistes du dossier sont nombreux à s’accorder sur la nécessité sinon d’un troisième round, du moins sur le maintien de la nouvelle posture de communication. La culture du «renversement de table» a vécu ! Elle a coûté au pays des décennies d’énergie négative. Presque plus personne n’a envie que le Maroc traîne sur les dossiers qui déterminent son développement. Le Souverain a, une nouvelle fois, montré la voie en mettant le curseur sur la question de la protection sociale. Il faut être digne de sa vision et se montrer à la hauteur de son élan.
Quelques uns des acquis au forceps, auxquels nous consacrons le «Temps Fort» de ce numéro, sont l’accentuation de la couverture médicale, l’extension de l’AMO, la revalorisation des pensions de la CNSS et l’augmentation du SMIG et du SMAG. Même si les niveaux d’amélioration ne font pas l’unanimité, ce n’est pas rien ! Cela se chiffre en milliards de DH dans un contexte d’économie quasi-exsangue.
Le deuxième round de discussions entre les partenaires sociaux a donné naissance à au moins deux belles idées : un Observatoire National du Dialogue Social et une Académie de formation dans le domaine du travail, de l’emploi et du climat social. Au-delà des appellations, qui pourraient paraître pompeuses aux yeux des sceptiques, il faut y voir des outils d’accompagnement pour institutionnaliser le dialogue social. C’est aussi évident que ça.