Sans états généraux ?

Par HASSAN EL ARCH
Directeur de la Rédaction
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Peut-être qu’on ne le répète pas assez fort ni assez souvent. L’écrasante majorité de nos concitoyens n’est pas contre le «Pass Vaccinal», mais contre la brutalité de sa mise en œuvre. Ceux qui, par démagogie, continuent encore de dévoyer cette vérité en sont pour leurs frais car personne n’est dupe de leurs motivations… Instrumentaliser la colère (légitime), l’angoisse (compréhensible) et la tourmente (réelle) des 6 millions de personnes non encore vaccinées est quelque chose de moralement abject. Il n’y a pas d’autres mots.
Le principe de démocratie veut, depuis son invention, que la majorité prime sur la minorité. C’est un fait admis dans toutes les sociétés et communautés où les débats de fond se déroulent de manière saine. Le même principe veut aussi que la voix des minorités soit non pas seulement entendue, mais écoutée. Par respect à défaut de conviction. L’institution du parlement, une des plus belles inventions de la civilisation, est là pour le rappeler chaque jour. Or, la «minorité» des non-vaccinés au Maroc n’est ni entendue, ni écoutée, ni même respectée… Moyennant quoi, le nouveau gouvernement multiplie les couacs dans sa stratégie de communication avec le peuple, un mois à peine après son investiture. C’est inquiétant pour les cinq années à venir !
C’est une grossière erreur d’infantiliser les Marocains – vaccinés ou non – en les envoyant se coucher sur des discours apaisants et les réveiller le lendemain par des décisions déroutantes. Certains membres du nouvel Exécutif semblent d’ailleurs priser cet exercice qui flatte l’ego car il procure un sentiment jouissif, une sensation de puissance somme toute très… humaine.
Résumons. Le «Pass Vaccinal» ? Oui ! Encore oui ! Dans la précipitation ? Non ! Sans communication préalable ? Non ! Sans débat public ? Non ! Sans états généraux ? Non ! Les médias ne sont d’ailleurs pas seuls à émettre ce signal, à le répéter et à le partager de manière très virale : la démarche du gouvernement en la matière pose un problème de fond qui interpelle tous les citoyens sur la dialectique du droit, de la nécessité, de l’intérêt communautaire, de la responsabilité et de la conscience citoyenne. «Tarder à me faire vacciner ne fait pas de moi un antipatriote» me disait l’autre jour un chauffeur de taxi. Ça traduit l’à-propos de toute cette effervescence.
Regardez la réaction, cette semaine, du Conseil National des Droits de l’Homme. L’instance a interpellé le gouvernement, l’appelant à fixer «un délai raisonnable» pour permettre aux citoyens de s’adapter aux mesures prises et aux autorités de mettre à disposition les moyens requis pour gérer convenablement le problème. Plus significatif encore, le CNDH insiste sur la nécessité d’intensifier la communication avec les citoyennes et citoyens non vaccinés pour atteindre l’immunité collective et tâcher de garantir leur accès aux lieux publics, essentiellement les services publics, qui ne peut être restreint de la sorte, le but étant de «ne pas porter préjudice aux libertés individuelles et collectives en termes d’accès aux prestations publiques». Tout est dit Messieurs du nouveau gouvernement.