Web
Analytics
EDITO

De l’art de se tirer une balle dans le pied

PAR HASSAN EL ARCH

Ça s’appelle se tirer une balle dans le pied. La fuite en avant est forcément plus pénible ! Voilà le pathétique spectacle que nous offre l’Exécutif espagnol, en ces langueurs estivales qui commencent. Le Chef du gouvernement comme la Cheffe de la diplomatie sont dans l’œil du cyclone. Le premier face aux coups de boutoir inattendus du Centro Nacional de Intelligencia, le service de renseignement et de contre-espionnage espagnol, et la seconde face aux médias. Les deux timoniers de la politique étrangère de Madrid font l’unanimité contre le modus operandi qu’ils déploient dans le différend opposant le Maroc et l’Espagne depuis plusieurs semaines. Les dommages collatéraux de l’affaire Brahim Ghali se révèlent lentement, mais inexorablement. Une gestion de crise pitoyable à souhait. Dangereuse au possible.

Dans le flot de colère et d’indignation, qui n’est au demeurant pas près de se tarir au Maroc, les réactions dans les salons, sur les réseaux sociaux, dans la rue et chez les médias renseignent sur l’ampleur du dépit de tout un pays. On peut les résumer dans la célèbre maxime léguée à la postérité par Antigone II, ancien roi de Macédoine : «Dieu, gardez-moi de mes amis. Mes ennemis, je m’en charge».

Notre confrère et politologue émérite Hassan Alaoui, fondateur du site Maroc Diplomatique, se fend cette semaine d’une analyse où l’on mesure bien la mouise politique du Premier ministre Pedro Sanchez : «Le président du gouvernement espagnol, particulièrement sensible aux critiques sur ses prestations et qui ne supporte pas du tout la contradiction, est furieux d’apprendre que les services de renseignement de son pays le considèrent comme n’ayant pas l’étoffe de la responsabilité qu’il occupe, du fait qu’il s’est laissé envahir par ses émotions personnelles dans une vaine tentative de s’affirmer face au leadership international du Roi Mohammed VI, tout en s’obstinant à vouloir provoquer le Maroc, un partenaire fiable et privilégié de l’Espagne et de l’ensemble des pays de l’Union Européenne». La messe est dite.

Arancha Gonzalez Laya, ministre des Affaires étrangères, de l’Union Européenne et de la Coopération dans le cabinet Sanchez, a pour sa part révélé tout récemment l’extraordinaire amateurisme de sa gestion du dossier. Sur le plateau de l’émission «Hor por hoy», diffusée par la radio Cadena SER, elle a dit vouloir rester «Discrète» sur la situation diplomatique avec Rabat afin de «Réorienter la situation. Nous allons désamorcer la tension avec le Maroc avec discrétion et peu de bruit». Pompier et pyromane à la fois, voilà un rôle taillé sur mesure pour certains membres – et non des moindres – de l’Exécutif espagnol.

M’fadel El Halaissi, chroniqueur sur nos colonnes et banquier au long cours, écrit dans ce numéro (pages 12 à 14) que «Cette crise créée par l’Espagne a mis le Royaume du Maroc devant des choix stratégiques et orientations prioritaires pour l’ancrage de la nation marocaine dans son environnement géopolitique pour les décennies, voire le siècle à venir». Expert en prospective de l’économie, il estime par ailleurs qu’«en aliénant son économie à l’espace économique européen, le Maroc restera un satellite gravitant autour de la planète européenne. Le passif colonial continuera à peser dans les rapports communs, en rappelant, à chaque occasion où c’est nécessaire, le rang qu’exige le colonisateur du colonisé».

Oui, et nous l’avons soulevé ici même la semaine écoulée, à propos des vraies fausses amitiés, il est peut-être temps maintenant de regarder ailleurs !

Related Articles

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *

Back to top button