Des têtes doivent tomber !

PAR HASSAN EL ARCH
Et voilà donc un nouveau drame qui endeuille le Maroc tout entier. Pas seulement la ville de Tanger, mais tout le pays, ce lundi 8 février. 29 morts, à l’heure où nous bouclions cette édition, et de nombreux blessés dans un état plus ou moins grave. Morts pour rien, serait-on tenté de dire ! La colère et l’indignation sont à leur comble parce que ces dizaines de familles comprennent peut-être le comment de la tragédie, mais pas forcément le pourquoi. Et avec ces familles qui portent le deuil d’un, voire deux membres, des millions de Marocains aussi se sentent révoltés. Parce qu’une même question taraude les esprits : l’hécatombe était-elle inévitable ? Était-ce une fatalité ? C’était «mektoub» ? 2021 fois NON, bien sûr !
La nature est imprévisible, rien à redire, mais pas le résultat des fautes de l’homme. Entendons-bien : fautes et non pas erreurs. Les secondes peuvent être pardonnées, les premières appellent la sanction sans appel. On peut, en effet, «accuser» la pluie et faire porter le chapeau tant qu’on veut à la météo. Ce ne sont pas les infiltrations d’eaux pluviales qui ont mortellement piégé les ouvriers dans un atelier clandestin de textile, au sous-sol d’une villa, mais l’absence de conscience – totale, criminelle – chez le gérant de ce garage hors-la-loi. Profit maximal, sécurité minimale.
On ne peut même dire que c’était vraiment un atelier clandestin puisqu’il était en activité depuis plusieurs années au vu et au su de tout le monde, à commencer par les autorités locales. Car, oui, que faisait le Moqadem ? Le Caïd ? Le Pacha ? Le Président de la Commune ? On son Vice-Président ? Comme pour des centaines d’ateliers non qualifiés et de gourbis impropres, à Tanger comme un peu partout au Maroc, ceux qui sont censés garder un œil sur les «curiosités» du quartier portent souvent le regard ailleurs. Pour 2021 raisons qu’on peut aisément imaginer. Des têtes doivent tomber. C’est ce qu’attend l’opinion publique.
Cela ne vous rappelle rien ? Rosamor, banlieue de Lissasfa, Casablanca, 2008. Plus de 150 ouvriers, hommes et femmes, piégés par un incendie dans cette usine de fabrication de matelas. 56 personnes y ont laissé la vie et une douzaine gravement brûlés. Le patron de l’usine et son fils avaient cru humain de verrouiller par des grilles toutes les fenêtres du site pour prévenir les vols. L’affaire avait indigné des millions de gens au Maroc et à l’étranger. Elle avait aussi scandalisé l’opinion publique par son aboutissement judiciaire : le propriétaire de l’usine a écopé de 4 ans de prison ferme assortie d’une amende de… 1.000 DH. Même somme pour son fils, gérant de l’usine, qui a écopé d’une peine d’emprisonnement de 2 ans. Voilà tout.
Le récent drame de Tanger est-il déjà, lui aussi, écrit sur le même scénario ? La Justice sera-t-elle à la hauteur de cet électrochoc national ? «Qui vivra verra», dit l’adage.