Qui rembourse ses dettes…

PAR HASSAN EL ARCH
La croyance courante veut que si l’on rembourse ses dettes par anticipation, c’est que l’on a une santé financière meilleure que prévu. Cela vaut parfois pour les individus, mais c’est évidemment beaucoup plus compliqué lorsqu’il s’agit des organisations. Et à plus forte raison des États. La doctrine de la macroéconomie est ainsi faite. Entre votre poche et les caisses du Trésor, le parallèle n’est pas hypothétique. Il n’existe même pas !
Pour autant, le buzz qui enfle depuis quelques jours interpelle et ramène la croyance populaire à sa juste dimension : une vue de l’esprit. Une de plus. Sur les terrasses des cafés, dans les taxis, dans les bureaux, les papotages fleurissent. Entre la nouvelle variante de la «Covid-19» et les fêtes de fin d’année qui passent à la trappe, le sujet que l’on tire de tous les côtés est celui de la capacité financière du Royaume et son «exploit», cette semaine, suite à l’annonce d’un énorme remboursement anticipé au Fonds Monétaire International. De quoi susciter, peut-être, de l’euphorie en ces temps maussades. Mais y a-t-il de quoi imaginer une «prospérité cachée», comme semblent le penser, ces jours-ci, de nombreux Marocains ? Encore une fois non, évidemment non.
Le ministère de l’Économie et des Finances s’est fendu d’un communiqué, en début de semaine, qui a allumé la curiosité de Monsieur-Tout-Le-Monde. Mais pas celle des spécialistes ni, dans une moindre mesure, celle des suiveurs de l’actualité institutionnelle. Le texte dit que «Le Maroc a procédé, le 21 décembre 2020, au remboursement par anticipation au FMI d’un montant de 651 millions de DTS (Droits de Tirage Spéciaux), soit l’équivalent de près de 936 millions de dollars américains ou 8,4 milliards de DH. Cette opération sera effective le 8 janvier 2021». Pour faire bonne mesure, les Administrateurs du FMI ont «salué l’annonce d’aujourd’hui selon laquelle les autorités ont l’intention de rembourser prochainement une partie du montant tiré dans le cadre de l’accord de Ligne de Précaution et de Liquidité. Avec une telle mesure, le suivi post-programme ne devrait plus être nécessaire». Pour la récente histoire, rappelons que le Maroc a décidé d’utiliser cette fameuse LPL en avril dernier, en pleine déferlante «Covid-19», ce qui a permis d’atténuer les pressions financières extérieures et surtout maintenir les réserves de change à un niveau raisonnable.
Maintenant, il faut mettre les choses dans leur perspective. Rembourser par anticipation est bien. Tenir la route sur le long terme est encore mieux. L’endettement souverain n’est pas un sprint. C’est une course de fond. Une très longue course. Comme le soulignent nos autorités monétaires, «le Maroc avait procédé, le 7 avril 2020, à un tirage sur la LPL pour un montant équivalent à près de 3 milliards de dollars américains (NDLR : environ 24 milliards de DH), remboursable sur 5 ans avec une période de grâce de 3 ans». Soit près de 8 ans dans le rouge vis-à-vis du FMI. D’où ces deux vérités à rappeler pour conclure. 8 ans, c’est juste du moyen terme à côté des autres encours que l’on endosse parfois sur 20 ans. Et les 8,4 milliards de DH remboursés au FMI par anticipation ne représentent que le tiers de la créance. Alors, l’euphorie toujours ?