20 mai, date butoir !

PAR HASSAN EL ARCH
Qui ne vit pas l’actuel confinement comme une chape de plomb ?
Qui ne s’impatiente pas de replonger dans la dynamique sociale et les plaisirs tout simples de la vie ?
Qui ne voudrait pas prendre la route, le 23 ou le 24 mai, pour aller partager les joies de l’Aïd Al Fitr dans une autre ville avec des proches ?
Qui ne se languit pas de la maman malade ou du cousin endeuillé dans une autre ville ?
Qui ne ronge pas ses freins en pensant au jogging dominical dans les bois de la forêt ou face aux vagues de l’océan ?
Qui ne rêve pas éveillé à toutes ces choses enfermées entre parenthèses depuis le 20 mars : flâner sur la corniche, promener son chien au parc du quartier, lézarder au soleil d’une terrasse de café, renouer avec l’ambiance du bureau et reprendre le train-train du travail avec les collègues, replonger dans le spectacle grand format d’un film au cinéma ? Re-vivre, tout simplement. Passer à autre chose de moins covidien…
La liste de nos privations est longue et le niveau de nos frustrations inédit. Mais qui s’en étonnerait ? Nous sommes des créatures sociales et ne concevons notre équilibre que dans le lien communautaire. C’est le propre de l’être humain.
Depuis le début de l’état d’urgence et le confinement décrété par l’Exécutif, nos existences ont changé. Nous avons brutalement basculé dans un mode de vie jamais connu, de mémoire de Marocain. L’expérience serait cathartique si ses effets collatéraux n’étaient pas dramatiques pour les citoyens classiquement vulnérables et les entreprises structurellement sous perfusion. On comprend alors que le mot «déconfinement» suscite, ces jours-ci, toutes sortes de fantasmes pour les uns et les autres… Car on ne parle que de cela maintenant. Total ? Progressif ? Le 20 mai ? Plus tard ? Bien malin (ou prétentieux) qui pourrait avancer des certitudes. Les experts eux-mêmes s’interdisent de servir aux populations des conjectures toutes faites, prêtes à l’emploi. Ce serait, au demeurant, totalement irresponsable et dangereux. La seule donnée officielle, valeur ce jour, est une date annoncée comme deadline par le gouvernement : 20 mai. Ce sera l’échéance de la «saison II» dans l’actuel processus de confinement.
Mais les responsables qui nous gouvernent, et à leur tête Saâd-Eddine El Otmani, nous mettent en garde contre les faux espoirs. Et fixent une autre date, 18 mai, pour mettre les choses dans leur juste perspective et donner du sens à tout le travail abattu par les services de l’Etat. 48 heures avant la date théorique du déconfinement, le Chef du gouvernement présentera la stratégie ad hoc devant les deux Chambres du Parlement. Le plan en sera décliné le 18 mai devant les représentants puis le lendemain devant les conseillers. Invité à en parler sur le plateau d’une émission spéciale, hier soir, sur la chaîne de télévision «Al Oula», El Otmani a répondu à un torrent de questions techniques, mais est resté, sur le fond, dans l’obligation de réserve qui colle à son statut. Notamment sur le coût économique de l’état d’urgence, la facture sociale réelle, les scénarii du déconfinement, la reprise de la vie normale dans le pays, en somme…
On ne peut pas reprocher au Chef de l’Exécutif d’être ce qu’il est : le plus haut responsable dans la hiérarchie du gouvernement, et donc le comptable de celui-ci en matière de déclarations engageant la politique sanitaire et sécuritaire du pays. C’est l’esprit de la mécanique parlementaire. Les élus de la Nation débattront dans les deux Chambres de l’Hémicycle et l’Exécutif en prendra acte en décrétant ce qui devrait se passer pour l’après-20 mai. Le Maroc entamera alors (peut-être) son déconfinement ou du moins en assouplira les mesures, comme d’autres pays ont commencé le faire en Europe (Allemagne, France, Espagne, Portugal, Belgique, Italie, Pays-Bas…), en Asie (Chine, Inde, Corée du Sud, Israël…), en Afrique (Tunisie, Nigéria, Afrique du Sud…), en Amérique (Etats-Unis, Canada, Brésil…) et en Océanie (Australie, Nouvelle-Zélande…). Mais peut-être, aussi, que le verdict sera ce que 36 millions de Marocains redoutent. C’est-à-dire qu’on reste tous au chaud, pour un troisième tour !
On le dit et le redit depuis le début de la pandémie : c’est notre discipline individuelle qui déterminera notre lendemain. La clé du déconfinement est entre nos mains, elle s’appelle conscience de la responsabilité sociale.