Morale à géométrie variable

Par HASSAN EL ARCH
Directeur de la Rédaction
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Israël a un grand problème de mémoire. Crimes de guerre… Crimes contre l’humanité… Elle inflige aujourd’hui aux Palestiniens ce qu’avaient enduré les Juifs sous les Nazis pendant la deuxième Guerre mondiale. Curieusement, à cause de toutes les atrocités commises par l’Allemagne hitlérienne entre 1939 et 1945, le souvenir de l’Holocauste fonctionne en mode sélectif ! Censé rester un repère indélébile dans la mémoire commune de l’humanité, ce souvenir s’efface curieusement dès qu’il s’agit, pour le «monde libre», de regarder ce que fait l’État hébreu au Proche-Orient. Tout se passe comme si le passé tragique des uns justifiait la négation du présent des autres. Comme si la douleur des Juifs exigeait la mort des Arabes. En somme, comme si Israël était définitivement exonéré d’humanité, qu’elle avait le droit, la légitimité de détruire la Palestine.
Les États-Unis, l’Occident d’une manière générale et l’Europe en particulier, ont une dette intemporelle envers la mémoire juive. Peu importe que cette dette exige durablement le sang de dizaines de milliers d’Arabes et de Musulmans à Gaza. Disons-le sans ambages : pour l’Occident, le «problème» de la Palestine est qu’elle est… pleine de Palestiniens. Il s’agit donc de faire du vide dans cette terre promise pour que les uns vivent, grandissent et prospèrent sur les cendres des autres.
Parce que trop c’est trop et que les Palestiniens étaient devenus juste de la chair à canon pour l’État hébreu, le Hamas attaque Israël, faisant plus de 1.400 morts. En retour, Tsahal envahit Gaza, tue, exécute, liquide, bombarde, massacre à vue ! Les Palestiniens n’ont pas le droit de se défendre, leurs terres appartiennent à l’État hébreu, leurs mosquées sont des nids de terroristes. Alors, pour le «monde libre», Israël en tête, tous les Palestiniens sont des terroristes.
Tel Aviv inflige à la population gazaouie une punition collective qui vire au génocide. Voilà ce qui se passe aujourd’hui dans cette bande réduite à une prison à ciel ouvert, presque sans eau, sans électricité, sans communications, sans médicaments, sans nourriture, sans espoir… La barre des 11.000 morts est dépassée. Le compteur ne s’arrêtera évidemment pas là. Washington a déclaré solennellement qu’elle n’imposerait «aucune limite» au mode opératoire de Tsahal.
L’Occident a donné un blanc-seing à Israël. Avec cette bénédiction, l’État hébreu procède à Gaza à un nettoyage ethnique, sous les yeux de la planète entière. Tel Aviv commet ouvertement un génocide devant les caméras du monde entier. Des milliers de Palestiniens morts, civils à 90%, femmes et enfants compris, ont été fauchés par les bombes, arrosés de phosphore blanc, broyés sous les décombres de leurs habitations, leurs hôpitaux et leurs camps de réfugiés. Hôpitaux ? Camps de réfugiés ? Les ambulances aussi. Et les écoles. Et les commerces. Ce sont des «foyers de terroristes» pour le commandement militaire israélien. Parce que ce sont des Palestiniens. Oui, pour Benjamin Netanyahu, le problème de la Palestine est que trop de Palestiniens y vivent et s’y reproduisent. C’est incompatible avec le rêve du «Grand Israël». Alors, il faut éradiquer du Palestinien. Cette terre est maintenant un territoire de non-droit absolu. Au propre et au figuré. L’éradication de la conscience palestinienne a commencé sur fond d’éradication physique. Une guerre totalement asymétrique. Une morale à géométrie variable. Voilà l’Occident en 2023. Ceux qui auraient encore l’indécence de le nier ne valent pas mieux que les Nazis.