Oasis Festival se réinvente vendredi prochain en format «Into the Wild» à Dakhla

Avec l’allègement des restrictions sanitaires et le retour progressif à la vie normale, les grands événements culturels et artistiques ont fait leur come back au Maroc après une pause forcée de deux ans. L’un des happenings les plus emblématiques, «Oasis Festival», annonce la couleur pour son retour en 2022. Ce faisant, il change de format et s’ouvre sur de nouveaux territoires dans le Royaume. La magnifique Dakhla accueillera, en effet, les 23 et 24 septembre courant la déclinaison «Into the Wild» de ce festival qui a conquis des adeptes dans le monde entier. Le point avec sa Fondatrice, l’artiste et entrepreneure Marjana Jaïdi.
Entretien réalisé par HASSAN EL ARCH
Oasis Festival revient en ce mois de septembre 2022 après une pause de deux années à cause de la crise sanitaire. Entre 2015, année de sa création, et 2019, année de sa pleine maturité, vous avez bâti à Marrakech un concept de happening qui a conquis des milliers de fans à travers le monde. Pour cette édition du retour, vous avez décidé de «délocaliser» le festival à Dakhla sous le label «Into The Wild». Dakhla va-t-elle remplacer Marrakech ou bien l’événement sera-t-il organisé chaque année dans une destination d’exception différente ?
Pour cette édition-pilote d’«Into The Wild 2022», nous avons en effet choisi Dakhla, mais l’idée derrière ce festival est d’explorer différentes régions du Maroc à travers un filtre musical. Chaque édition aura pour objectif de mettre en valeur l’authenticité du lieu tout en s’adaptant à son environnement. Chaque région du Maroc est unique, de la même façon chaque édition du festival le sera aussi. Je ne sais quand exactement pour l’instant, mais Oasis Festival fera son grand retour à Marrakech. Je suis bien consciente des attentes de notre public, et ce serait la chose la plus facile et la plus sûre à faire pour nous, mais nous devons également tenir compte de notre vision et de notre stratégie globale. Oasis Festival n’est pas et n’a jamais été juste un super-festival ou une grande fête… Le résultat final le montre peut-être, mais il s’agit aussi et surtout de l’impact que le festival peut avoir, que ce soit dans l’esprit des participants ou pour l’économie de la région et la scène culturelle grandissante au Maroc. Lorsque le grand retour d’Oasis Festival à Marrakech surviendra, il faudra que nous soyons à même d’apporter quelque chose de novateur sur la table. Marrakech bénéficie maintenant d’une scène musicale très importante. Il y a des festivals et des soirées organisées tous les week-ends. Comment Oasis Festival va se réinsérer dans ce nouveau panorama ? Quel sera son rôle ? Je souhaite avoir une réponse claire avant de revenir.
Pourquoi Dakhla pour démarrer le nouveau concept «Into The Wild», plutôt qu’une autre destination exceptionnelle du Royaume, qui n’en manque pas d’ailleurs ?
Dakhla est une destination incroyable qui mérite amplement d’être placée sous le feu des projecteurs. Au-delà de ses paysages magnifiques, de sa position époustouflante de point de rencontre entre mer et désert, la région est également reconnue pour ses fruits de mer de très haute qualité, raison pour laquelle l’expérience culinaire occupe une place majeure dans «Into The Wild» cette année. Nous sommes plus que ravis d’accueillir les talentueux Chefs de «Mouton Noir» (Marrakech) ainsi que Lalla Mina (installée à Los Angeles) qui ont pour mission de ré-interpréter les produits-phares de la région. Dakhla Club, le lieu du festival, se situe directement sur la lagune centrale, ce qui a pour avantages de pouvoir intégrer des activités et des excursions pendant le festival. Nous n’avons jamais eu cette possibilité auparavant. Nous avons également choisi Dakhla pour des raisons stratégiques. En planifiant cette édition du festival ailleurs qu’à Marrakech, je savais que cela présenterait une série de nouveaux défis et que cette année serait riche en apprentissages. Dakhla est un choix idéal pour cette première édition d’«Into the Wild» car elle limite la taille du festival. Cela nous permet de gérer au mieux la manifestation, tout en tirant les leçons et les défis qui accompagnent l’organisation d’«Oasis Festival» en dehors de Marrakech. «Into the Wild» n’est pas nécessairement un concept pensé à petite et intime échelle. À Dakhla, c’est le cas, mais nous envisageons la prochaine édition dans un lieu plus accessible qui nous permettra de voir beaucoup plus grand.
S’agissant des artistes internationaux à inviter et de la logistique de billetterie, avez-vous eu des contraintes particulières pour redémarrer en 2022, compte tenu de l’interruption des deux dernières années ?
Les difficultés rencontrées ne sont pas tant liées à cette longue pause involontaire, qu’au choix d’organiser le festival à Dakhla. Peu importe le point de départ, se rendre à Dakhla est un long voyage, notamment depuis l’étranger. Alors qu’un vol de Londres ou de Paris vers Marrakech dure environ 3 heures, le trajet jusqu’à Dakhla est au moins deux fois plus long et il n’y a quasiment aucun vol direct. Les festivaliers qui choisissent de faire le voyage, artistes et participants, ont d’emblée le sens de l’aventure et veulent essayer quelque chose de différent. On s’attend à un public atypique cette année ! Dakhla à l’habitude d’accueillir des conférences et des événements sportifs, mais en ce qui concerne le monde du spectacle, il n’y a pas encore d’infrastructures adéquates pour organiser des événements musicaux de cette ampleur. La plupart de nos besoins pour cet événement, en termes de son, de lumière, de décor et même de sanitaires, doivent être acheminés depuis Casablanca ou Marrakech, ce qui représente un challenge logistique énorme. Nous avons tout de même choisi de foncer, malgré ces challenges, car Dakhla est une destination si belle et unique et nous sommes persuadés qu’elle a tout le potentiel pour devenir une véritable destination musicale. Actuellement, on peut y apercevoir plusieurs nouveaux hôtels en construction qui, nous l’espérons, encourageront les compagnies aériennes à proposer des vols directs. Nous espérons également que, comme pour Marrakech, «Oasis Into The Wild» inspirera d’autres producteurs d’événements culturels et musicaux audacieux à faire quelque chose à Dakhla. Lorsque nous voudrions retourner à Dakhla dans deux ou trois ans, nous espérons qu’il y aura plus d’infrastructures en place qui nous permettront de bâtir sur ce que nous avons entamé. Cela dit, un grand nombre de défis sont similaires à ceux auxquels nous avons été confrontés lorsque nous avons lancé la première édition d’«Oasis Festival» à Marrakech, dans la mesure où Dakhla est un marché inconnu et encore inexpérimenté pour les événements de musique contemporaine. Pour que la culture musicale poursuive son ascension au Maroc, il faut des personnes prêtes à essayer de nouvelles choses et à expérimenter ! En tant que précurseurs, nous estimons que c’est aussi notre responsabilité de repousser les limites et de défier le statu-quo. Nous sommes extrêmement reconnaissants envers les sponsors (ONMT, OCP, Kenz’Up, Maroc Telecom, Bank of Africa et Royal Air Maroc) qui nous accompagnent dans cette nouvelle aventure, laquelle n’aurait pas été possible sans leur soutien.
L’«Oasis Festival» incarne, d’une certaine manière, l’esprit de cette diplomatie culturelle que le Maroc œuvre à déployer pour consolider son image d’ouverture, de mixité, de paix et de tolérance… Quel message «politique» auriez-vous à émettre en direction des prescripteurs et des médias internationaux ?
Le Printemps arabe battait son plein lorsque j’ai eu l’idée d’organiser un festival de musique à Marrakech. À l’époque, je vivais encore aux États-Unis et j’entendais énormément de commentaires péjoratifs, ici et là, avec des «généralités» sur le monde arabe. Je me suis dit : «Si seulement ces gens se rendaient au Maroc, ils verraient à quel point ce pays est beau et loin des clichés qui peuvent circuler à son sujet». L’une des raisons pour lesquelles nous avons lancé «Oasis Festival» était de créer une nouvelle façon pour le monde d’interagir avec le Maroc, et vice-versa. Nous restons convaincus que les festivals peuvent avoir un impact positif et fort en connectant des personnes de différents horizons à travers une passion commune qui est la musique. Depuis 2015, «Oasis Festival» a accueilli des milliers de festivaliers venant d’au moins 75 pays et les participants de chaque édition sont répartis, en moyenne, à parts égales entre Marocains et étrangers. En dehors du tourisme au sens large, nous sommes encore peu nombreux à offrir une plateforme où les Marocains ont l’opportunité d’interagir avec des personnes de provenances variées à une échelle aussi significative. Ayant moi-même grandi dans un environnement multiculturel, je suis convaincue qu’interagir avec des personnes de divers horizons, modes de vie et visions encourage la compréhension et l’acceptation de l’autre. Voyager est essentiel au développement personnel. Cela nous pousse à quitter notre zone de confort, à aller à la rencontre de multiples mondes, de nouveaux lieux et de nouvelles cultures ! À l’ère de la démocratisation de l’accès au numérique, nous vivons une époque où nous avons de moins en moins d’interactions sociales. Les événements de musique comme «Oasis Festival» sont de puissants vecteurs qui favorisent l’ouverture d’esprit, l’unité et la compréhension entre les peuples. Et c’est aussi un moment de joie, de partage et de divertissement !