«Nous devons nous serrer les coudes face à la vraie concurrence des autres destinations»

FABRICE CASTELLORIZIOS
General Manager
Radisson Blu Marrakech Carré Éden
Dans la morosité ambiante et les incertitudes qu’elle fait peser sur le tourisme, les hôteliers ne sont pas uniquement des distributeurs de bavettes et de gel hydroalcoolique, mais des «moments makers», des marchands de rêves… C’est la conviction de Fabrice Castellorizios, patron du déjà historique Radisson Blu Marrakech Carré Éden, la première unité de cette enseigne mondiale dans le Royaume. Effets de la pandémie, visibilité sur le court terme, engagement durable, solidarité sociale et capacité à se réinventer sans cesse… Interview.
Le récent «Dîner à 8 Mains» a démontré que le Radisson Blu Marrakech sait se réinventer à travers des événements à thème pour conjurer la crise et se projeter en avant. Avez-vous le sentiment que vos équipes et vos partenaires au Maroc et à l’étranger partagent cette conviction à 100%… ?
Oui, comme vous le dit très justement, c’est notre façon de conjurer le sort. «Faire contre mauvaise fortune, bon cœur» ne dit-on pas ? Ou tout du moins offrir à nos clients des expériences mémorables et positives en cette période morose et truffée d’annonces assez démoralisantes ! Nous sommes avant tout – et c’est un leitmotiv dans notre groupe – des «moments makers» ou des marchands de rêves, et pas uniquement des distributeurs de bavettes et de gel hydroalcoolique ! Ce récent dîner gastronomique a été une rencontre de grands Chefs marocains et français. Un succès au final, mais bien compliqué à organiser en pleine annonce de fermeture brutale des frontières. Tout au long de l’année, nous avons organisé de nombreux autres mini-événements culturels, artistiques, économiques, gastronomiques, sociaux et solidaires. C’est un moyen d’offrir à nos équipes, et bien sûr à nos clients, partenaires et associations, des parenthèses de plaisir car cela doit rester, selon nous, la vocation de base de l’hôtelier. Nous devons continuer à enchanter. Et même encore plus qu’avant, pour permettre cette évasion bien nécessaire en cette période ! Nous devons le faire effectivement en nous réinventant car les demandes ne sont pas tout à fait les mêmes, les clients cherchant certes du confort et plus de sécurité sanitaire dans nos hôtels, ce que nous leur offrons avec des labels tels que «Welcome Safely», «SGS», «Safehotels», mais aussi des expériences nouvelles et encore plus d’écoute et de chaleur humaine. Cela qui nous a incité à créer de nouveaux points de vie tels que la galerie d’art, le fleuriste, la nouvelle boutique-pâtisserie, le coin littéraire dans notre concept store… Nous sommes suivis à 100%. En tout cas, nos équipes, à la manière d’une famille, partagent cet enthousiasme et font, elles aussi, preuve de combativité car elles ont intégré le fait que malgré toutes les raisons qui pourraient parfois le justifier, nous ne devons pas baisser les bras. Et cela porte ses fruits au final car notre activité se maintient, bon an mal an, et c’est le plus important pour préserver les emplois.
Pensez-vous que 2022 va être plus clémente que 2021 et que le plus dur est derrière nous… ? C’est ce que disent beaucoup d’observateurs…
Nous nous garderons bien de faire des pronostics car cela sort de notre champ d’expertise. Même les spécialistes se trompent parfois, comme nous l’avons constaté ces dernières années. Et puis nous avons été échaudés par 2021 que nous espérions tous bien moins impactée par les conséquences et les restrictions de la crise sanitaire, celle-ci étant malheureusement toujours présente tout au long de l’année. Certes, pour notre hôtel, 2021 aura été meilleure que 2020. D’une part, nous n’avons eu cette année aucune journée de fermeture et notre progression d’activité aura été de l’ordre de 35% par rapport à 2020, avec des hauts et des bas en fonction des étreintes et des relâchements successifs pour, au final sur 2021, une occupation moyenne annuelle au-dessus de 50%. Nous sommes encore, bien sûr, très loin de notre remplissage record annuel de 2019 ! Notre nature optimiste nous pousse à penser qu’effectivement 2022 continuera dans cette tendance de progression et de retour à la «nouvelle» normalité. Pour autant que les conditions sanitaires mondiales permettent la réouverture rapide des frontières et la fin des restrictions, le tout accompagné d’une forte campagne de promotion pour remettre la Royaume et Marrakech dans les radars de nos partenaires commerciaux et dans l’esprit des clients. La concurrence mondiale est très rude et les marchés compétiteurs sont eux aussi très agressifs pour redémarrer au plus vite et au mieux.
Le Radisson Blu Marrakech travaille beaucoup avec l’écosystème des acteurs sociaux de la région. Quelles perspectives voyez-vous en 2022 dans cette dynamique de solidarité durable et sociale et que projetez-vous comme actions au début de l’année prochaine… ?
La solidarité est au cœur de notre stratégie depuis notre ouverture avec pour principe que le tourisme est avant tout une activité sociale, basée sur le service et donc l’humain qui doit rester central. L’hôtel n’est rien sans tout ce qui l’entoure, ce qui fait la richesse de notre ville et qui pourrait être amené à disparaître ! 2022 sera l’année du début de la modélisation de cet écosystème, ce pari un peu fou qu’a fait le Radisson Blu à son ouverture et qui s’est intensifié avec le «Covid» et la misère sociale qui s’est ajoutée à la crise sanitaire : assumer jusqu’au bout de jouer la carte Responsabilité Sociale et Solidaire, synonyme d’une prospérité économique plus raisonnée et responsable de son environnement. Nous allons inventorier et évaluer ce que nous avons mis en œuvre avec nos partenaires autour des orphelinats, foyers et hôpitaux tout en profitant plus que jamais des «certitudes locales» pour pérenniser les actions actuelles, continuer à développer d’autres projets dans le cadre du programme «Responsible Business» de notre groupe. Et, bien sûr, toujours côté économie sociale et solidaire, en partenariat avec les actrices et les acteurs actuels. Le tout de manière encore plus interdisciplinaire, avec toujours les associations féminines locales, de nouveaux partenaires qui, dans la complexité actuelle, vont nous permettre de décider, avec la science et surtout pas sur la base des ressentis ou des préjugés !
En dépit d’une rude concurrence, le Radisson Blu Marrakech a su garder intact son attrait et préserver sa singularité d’hôtel urbain premium dans la région. Quels sont vos ingrédients en termes de marketing et de management… ?
Premièrement, je pense que vu le marasme actuel dans le secteur du voyage et de l’hospitalité, la notion de concurrence avec nos confrères hôteliers de Marrakech est vraiment dépassée… Nous souffrons tous et nous devons nous serrer les coudes pour faire face à la vraie concurrence, celle qui existe avec les autres destinations. Elles sont très nombreuses et elles cherchent à détrôner Marrakech, véritable marque encore très attractive, mais qui a perdu en vitalité et en crédibilité. Le Radisson Blu Hotel Marrakech Carré Eden a, en effet, la chance de tirer un peu mieux son épingle du jeu. Nous profitons de notre excellent emplacement géographique très central, à une période où tout un chacun recherche de l’animation, de la vie… Ce que nous retrouvons dans ce quartier vibrant du Guéliz, au-dessus du centre commercial Carré Éden et entourés de restaurants, bars, galeries d’art, musées, boutiques et jardins. Nous nous sommes également fortement adaptés avec des offres tarifaires très attractives et aussi à une clientèle plus «loisirs», plus familiale à qui nous offrons, par exemple, un véritable «Kid’s World» dans notre désormais petit resort urbain ou encore avec des offres restauration ou Spa. Idem pour nos buffets ou nos soins encore plus au goût de nos clients marocains, bien plus nombreux ! C’est également un produit totalement rénové au niveau des chambres et des parties communes. Comme évoqué précédemment, plein de nouvelles expériences sont offertes. Enfin, «last but not least», par rapport à notre management, nous avons toujours mis un point d’honneur à tout partager avec nos équipes, en toute transparence, et à préserver contre vents et marées les emplois et les salaires, même dans les pires périodes. Les équipes, reconnaissantes, nous le rendent bien avec encore une plus grande attention et une gentillesse accrue, portées à tous nos clients.
L’enseigne Radisson Blu en approche d’une dizaine d’unités au Maroc depuis 2016 et l’établissement marrakchi est le précurseur dans ce développement national. Qu’est-ce que cela vous inspire en termes de fierté, mais aussi de défis… ?
L’objectif de notre Président est d’atteindre 15 établissements au Maroc pour 2025. Pour l’instant, en plus du Radisson Blu de Casablanca, ouvert il y a quelques années, de nouvelles unités Radisson Blu sont venues s’ajouter cet été : Al Hoceima avec deux unités, Saïda avec deux unités également et Taghazout avec une unité. D’autres sont en fin de travaux dans certaines de ces mêmes destinations. Enfin, également sur Casablanca, sont très attendus le Radisson Hotel Casablanca Gauthier La Citadelle ou le fantastique futur Radisson Collection, ex-emblématique Hotel Lincoln. Ces unités sont en développement pour des ouvertures sur les prochaines années. C’est bien sûr une grande fierté après à peine un peu plus de cinq ans depuis l’ouverture du désormais historique Radisson Blu Hotel Marrakech Carré Éden. C’est en effet un grand défi dans le contexte actuel. Maintenant, nous sommes sur un temps long dans notre secteur d’activité et nous ne doutons pas que toutes ces unités connaîtront de belles destinées, comme celle de Marrakech.
Entretien réalisé par Hassan El Arch