Widad Mjama veut réhabiliter l’art de l’Aïta
Le projet artistique «Aïta Mon Amour» de Widad Mjama et Khalil EPI vise à raviver la tradition musicale de l’Aïta, un genre incarné par les Chikhates. En combinant poésie, musique électronique et tradition, le duo rend hommage aux femmes artistes et réinvente cet art marocain pour l’ère numérique. Widad, l’une des premières rappeuses du Maroc, utilise la scène pour combattre les mentalités machistes. Khalil, producteur et compositeur tunisien, apporte son expertise en musique classique arabe, jazz et traditions sonores mondiales. Ensemble, ils créent une œuvre moderne qui transcende les générations.
Qu’est-ce qui vous a inspirée à fusionner l’Aïta traditionnelle avec des éléments contemporains et électroniques ?
On n’a pas cherché à fusionner directement avec l’Aïta, mais plutôt à réinterpréter ses éléments en utilisant des outils contemporains. Lors de nos voyages à Safi, on a collaboré étroitement avec des personnes Chioukhs pour comprendre et respecter les structures rythmiques, les mélodies et les textes originaux de l’Aïta. Notre intention était de présenter une nouvelle interprétation moderne de ce genre musical traditionnel. Ainsi, ceux qui sont familiers avec l’Aïta peuvent reconnaître et apprécier notre approche qui conserve l’essence tout en apportant une touche contemporaine.
Comment vos débuts en tant que l’une des premières rappeuses du Maroc ont-ils influencé votre approche musicale actuelle ?
À l’époque, tout se passait vraiment bien. Il n’y avait pas de manifestations évidentes de sexisme dans les années 1990 et 2000. Être la seule femme au milieu d’un groupe masculin était bien accepté et ne posait aucun problème. Cette période était marquée par une relative ouverture et une acceptation progressive de la présence féminine dans divers domaines, y compris dans les groupes artistiques et musicaux.
Pourquoi est-il important de redorer le blason des Chikhates et comment pouvez-vous contribuer à changer la perception de ces artistes dans la société marocaine ?
Les Chikhates sont dénigrées alors qu’elles sont les gardiennes d’une riche tradition musicale et poétique, qui est l’Aïta. Historiquement, les Chikhates ont souvent été marginalisées et stigmatisées en raison de leur profession. En valorisant leur art, on assure la préservation et la transmission de ce patrimoine culturel unique aux générations futures. Moi, j’aimerais bien redorer le blason de cette appellation.
Entretien réalisé par LAIDIA FAHIM