Cannabis médical : des perspectives colossales pour le Maroc

Le ministère de l’Intérieur vient de présenter, sous la coupole du Parlement, une étude sur les opportunités concernant le développement de la filière du cannabis à des fins médicales, industrielles et cosmétiques. Propriétés et usages de la plante, potentiel économique, atouts du Maroc… Autant d’aspects bien étayés dans cette étude pour rassurer sur la rentabilité de ce programme, dont les revenus pourraient être supérieurs à ceux générés par l’ensemble des produits agricoles du Maroc !
«Tétra-hydrocannabinol THC, Canabinol CBN et Canabidiol CBD. Ce sont les différentes composantes du cannabis», a rappelé la Commission du ministère de l’Intérieur lors de la présentation au Parlement, le 4 mai dernier, d’une importante étude sur la filière du cannabis. La Commission précise que le «THC», composante la plus importante dans cette plante, est une matière psycho-active. Elle est la seule à faire l’objet d’une surveillance mondiale. Quant au «CBN», deuxième élément composant de la plante, il dispose de caractéristiques psycho-actives relativement faibles, tandis que le «CBD» n’a aucun effet néfaste. Bien au contraire, cette dernière composante contient de nombreuses propriétés médicinales, permettant de réduire les effets psycho-actifs du «THC».
Nombreuses applications
Découvert dès le 9ème siècle, l’usage médical du cannabis a été vulgarisé dans le fameux Canon de la Médecine à partir du 11ème siècle, grâce à ses nombreuses vertus anesthésiantes. «Aujourd’hui, le cannabis est utilisé dans le traitement des maladies neuro-dégénératives comme la «Parkinson» et l’«Alzheimer», ainsi que des maladies inflammatoires et auto-immunes, mais aussi des affections de l’intestin telles que la maladie de «Crohn», explique le ministère de l’Intérieur, soulignant que «les experts des pays qui ont légalisé le cannabis le considèrent comme efficace dans le traitement de l’épilepsie, mais aussi pour réduire les douleurs liées au Sida, aux cancers et à la chimiothérapie».
Grâce à ses propriétés anti-oxydantes et anti-inflammatoires, le «CBD» est utilisé dans la fabrication de cosmétiques pour les soins de la peau. «Il est possible de remarquer que plusieurs lotions esthétiques à base de cette plante, généralement importées, sont vendues au Maroc dans les pharmacies et commerces, mais aussi via internet», précise le ministère. Outre son usage médical, le cannabis a également un usage industriel. Le chanvre, qui est la fibre textile tirée de cette plante, permet de créer des matériaux de construction, notamment du béton, de la peinture, ainsi que des matériaux d’isolation phonique et thermique. Il est également utilisé dans la papeterie, les industries textile, automobile et alimentaire.
La course à la dépénalisation du cannabis s’accélère à travers le monde. Pour cause : «le marché mondial du cannabis légal s’est établi à 13,8 milliards de dollars en 2018 et devrait grimper à 233 milliards de dollars en 2028 ! S’agissant du marché mondial du cannabis médical, il était à 8,1 milliards de dollars en 2018 et pourrait atteindre 114,2 milliards de dollars en 2028», révèle l’étude réalisée par le ministère de l’Intérieur. Sur le seul continent européen, il est prévu que le marché à usage médical passe de 563,7 millions d’euros à 58 milliards d’euros en 2028 ! Le taux de croissance annuel du marché du cannabis médical est de 30% à l’échelle mondiale et de 60% au niveau européen. «Le marché européen est, justement, le marché principal du Maroc, en raison du potentiel d’exportation et de la facilité d’accès ainsi que des facteurs liés aux prévisions d’évolution de la consommation et du volume des importations», indique le ministère de l’Intérieur, précisant que les marchés prioritaires du cannabis médical marocain sont l’Espagne, les Pays-Bas, le Royaume-Uni et l’Allemagne, avec des projections de 25 milliards de dollars en 2028.
Hypothèses «basse» et «haute»
Selon le ministère, il est possible de déterminer les objectifs des exportations marocaines de cannabis à usage légal en Europe, à l’horizon 2028, à travers deux hypothèses. «La première hypothèse, dite «basse», viserait «10% du marché du cannabis médical et pourrait rapporter 4,2 milliards de dollars au Maroc comme revenu agricole annuel. La seconde hypothèse, dite «hausse», viserait 15% du marché du cannabis médical et pourrait rapporter 6,3 milliards de dollars au Maroc comme revenu agricole annuel». De quoi permettre, dans les deux cas, de dépasser les revenus agricoles annuels actuels, qui sont à hauteur de 400 millions de dollars, surtout que ces prévisions ne prennent pas en considération les revenus de la culture et de la transformation du cannabis à des fins industrielles.
À la question de savoir si le Maroc dispose des atouts pour cultiver, produire et exporter le cannabis, le ministère de l’Intérieur affiche son optimisme et soutient que «le Maroc dispose de plusieurs atouts, notamment les conditions naturelles et climatiques favorables, la proximité du marché européen émergent, l’offre logistique en ports et aéroports, l’attractivité pour les investissements étrangers ainsi que le savoir-faire hérité des paysans traditionnels». Par ailleurs, il convient de rappeler que le nombre de personnes pratiquant cette agriculture (encore illégale) est, selon l’étude, estimé à 400.000 personnes, soit près de 60.000 familles dont les entrées d’argent peuvent atteindre 75.000 DH par an et par hectare. «Le revenu net par hectare va atteindre 110.000 DH par an, soit une amélioration de près de 40% par rapport au revenu actuel, dans le cadre d’une pratique respectueuse de la culture durable du cannabis», affirme l’étude.
Des atouts à transformer en opportunités
Le projet de développement de la filière médicale du cannabis devrait permettre d’améliorer les revenus et de stimuler les agriculteurs, ce qui contribuera, en plus de la grande expérience du Maroc dans le domaine agricole, à la réussite de la culture durable du cannabis. Cela, malgré les défis qui se profilent à l’horizon. En effet, même si le marché mondial du cannabis est prometteur, le démarrage de ce chantier au Maroc ne permet pas d’inclure la totalité des agriculteurs car il s’agit d’une approche progressive. Dans ce sens, «il convient de se pencher sur des cultures alternatives, génératrices de revenus, afin de convertir les agriculteurs qui ne pourront pas rejoindre le programme de cannabis médical, pharmaceutique et industriel», rappelle le ministère de l’Intérieur. Le développement de l’usage légal du cannabis permettra aussi de développer une chaîne de production qui fera du Maroc un pays exportateur de produits médicaux, thérapeutiques et industriels au lieu de continuer à les importer !
ETIENNE DALLY