Santé au travail : 3 questions à l’experte malaisienne, Dr Hanizah Mohd Yusoff

Tenu du 28 avril dernier au 3 mai courant, le 34ème Congrès international sur la santé au travail (ICOH 2024) bat actuellement son plein à Marrakech, attirant des experts de plus de 90 pays. Ce prestigieux événement réunit des chercheurs de renom pour présenter des discours d’ouverture et animer des séances plénières, offrant ainsi une couverture exhaustive des diverses disciplines liées à la santé et à la sécurité au travail. Lors de ce grand happening, nous avons rencontré Dr Hanizah Mohd Yusoff, experte associée au Département de médecine de santé publique à l’Université Nationale de la Malaisie. Elle est, entre autres, conseillère auprès de l’Association malaisienne des praticiens de la santé au travail (AMPSAT), membre de la Commission internationale de la santé au travail (CIST) et responsable de l’Unité de Santé au Travail au Département de Médecine de Santé Publique à l’Université Nationale de la Malaisie.
Un mot sur votre participation à l’ICOH 2024, qui a lieu actuellement à Marrakech…
Je participe en tant que présentatrice orale et je dirige trois de mes étudiants qui présentent des articles sur nos projets de recherche. Le thème de mon intervention est «Motivation à rester en tant que médecin en santé au travail en exercice : évolution de l’échelle et validité». En Malaisie, les médecins du travail sont des praticiens formés au moins au niveau du certificat par la NIOSH (agence chargée de mener des recherches et formuler des recommandations pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles), enregistré auprès du Département de la sécurité et de la santé au travail (DOSH) sous l’égide du ministère des Ressources humaines (MOHR). Les médecins du travail (OHD) sont légalement tenus d’effectuer une surveillance médicale des travailleurs. L’étude est justifiée par le fait que les données du DOSH (2021) ont montré que parmi les 1.850 OHD qui s’étaient inscrits auprès du DOSH, 43% n’ont pas renouvelé leur inscription. Une étude qualitative réalisée pour explorer cette mauvaise rétention a révélé les codes et les thèmes pouvant être liés à la «théorie de la motivation-espérance-valeur-coût». Une échelle a également été élaborée pour mesurer cette motivation.
Quelles sont les principales tendances que vous observez en matière de maladies professionnelles dans votre spécialité médicale et comment pensez-vous que ces tendances pourraient évoluer à l’avenir ?
La grande majorité des maladies professionnelles que j’observe sont associées aux risques traditionnels sur le lieu de travail, tels que l’exposition à des produits chimiques nocifs, le bruit et les problèmes d’ergonomie. À mon avis, ces maladies professionnelles continueront de poser problème dans un avenir proche, principalement parce qu’elles touchent un grand nombre de travailleurs qui n’ont pas encore accès aux services de santé au travail, notamment ceux travaillant dans le secteur informel. D’un autre côté, les risques professionnels non traditionnels pourraient commencer à augmenter avec l’évolution du travail lui-même. Par exemple, le fait de travailler dans l’économie «gig» (les petits boulots) est de plus en plus tendance, surtout après la pandémie du Covid-19, et ça finira par présenter ses propres risques pour ces travailleurs.
Le droit à un milieu de travail sûr et sain fait désormais partie des droits fondamentaux au travail. Les questions de santé mentale et les risques psycho-sociaux sont des préoccupations croissantes, partout dans le monde. Qu’en pensez-vous ?
Les risques psychosociaux sur le lieu de travail exposent les employés à des problèmes de santé mentale. Bien que largement reconnus par les travailleurs et les employeurs, ces risques étaient rarement mis en avant auparavant, surtout dans les pays à faible ou moyen revenu. De plus, certains dangers psychosociaux peuvent également agir comme des facteurs de risque pour d’autres maladies. Par exemple, les horaires de travail prolongés sont associés à un risque accru d’accidents vasculaires cérébraux et de maladies cardiaques ischémiques. Je pense que toutes les parties prenantes devraient contribuer à la prévention et à la gestion des risques psychosociaux sur le lieu de travail. Le gouvernement a un rôle à jouer en élaborant des politiques visant à protéger les travailleurs contre l’exposition à ces risques. Les employeurs peuvent être proactifs en identifiant les risques psychosociaux présents dans leur organisation et en mettant en œuvre des mesures de contrôle appropriées. Les travailleurs doivent être encouragés à prendre soin de leur bien-être mental. Et les chercheurs et les professionnels peuvent collaborer pour élaborer des lignes directrices adaptées à tous les secteurs économiques afin de garantir la protection de tous les travailleurs contre ces risques.
Propos recueillis par LAIDIA FAHIM