«Le Maroc et la Türkiye se trouvent à des points stratégiques de la géographie mondiale»

OMER FARUK DOGAN
Ambassadeur de la République de Türkiye au Maroc
Interview réalisée par HASSAN EL ARCH
Le «feeling» maroco-turc n’est pas un vain mot. Dans cette interview exclusive, accordée au magazine LE TEMPS par le nouvel Ambassadeur de la République de Türkiye à Rabat, on fait un large tour d’horizon sur ce qui rapproche les deux pays aux plans culturel, économique, politique et humain. Son Excellence Omer Faruk Dogan analyse aussi la conjoncture internationale en expliquant ce qui fait la centralité stratégique d’Ankara dans plusieurs dossiers sensibles actuellement. Nos lecteurs retrouveront l’intégralité de cette grande interview dans le numéro Print de notre magazine LE TEMPS, qui sera dans les kiosques le 3 novembre prochain.
Vous avez été nommé récemment Ambassadeur de la République de Türkiye au Maroc. Sur un plan général, quel regard portez-vous, de prime abord, sur le Royaume, ses gens et son air du temps ?

Les relations entre le Maroc et la Türkiye remontent au 16ème siècle, à l’époque où les Ottomans se sont installés à Tripoli, Tunis et Alger. Le Maroc et l’Empire Ottoman se sont encore rapprochés au cours de la bataille des Trois Rois, à Ksar El Kébir, menée par Abou Marwane Abd-Al Malik, fils d’Abou Abdallah Mohammed, contre les Portugais soutenus par Moulay Mohammed Moutawakil Abdallah, l’adversaire d’Abou Marwane Abd-Al Malik. Cette bataille en 1576 a été gagnée par le Maroc avec le soutien des Ottomans. Le fait que les Ottomans n’ont pas exercé de domination sur le Maroc, a institué entre les deux pays des relations établies sur des fondements solides, dépourvues des susceptibilités et de préjugés hérités de l’Histoire. Aujourd’hui, pour les Marocains, la Türkiye est un pays développé, moderne, mais en même temps un pays musulman qui protège son identité, comme le fait le Maroc. Les relations diplomatiques entre la République de Türkiye et le Royaume du Maroc ont été établies le 2 mars 1956, par une déclaration commune, juste après l’indépendance du Maroc. Je suis le 20ème Ambassadeur turc, en mission diplomatique auprès du Maroc, pour reconfirmer notre solidarité et renforcer nos liens bilatéraux.
Sur un plan plus institutionnel, quel regard avez-vous sur les relations actuelles entre le Maroc et la Türkiye, à divers niveaux, politique, économique et culturel ?

Le Maroc est un pays qui a une structure étatique stable, malgré le regard biaisé que lui portent certains pays occidentaux. Un pays solide et développé au sein du monde islamique, du Maghreb, du bassin méditerranéen et de l’Afrique. Les relations entre nos deux pays ont toujours été basées sur l’égalité, l’amitié et la fraternité entre nos deux peuples, qui présentent presque les mêmes traits d’identités. Nos deux pays sont actuellement des acteurs majeurs de leur continent et de leur région et se doivent de développer davantage et de renforcer encore plus leur relation. Nous avons énormément de points communs en matière de politique et de culture. Le Maroc, qui est actuellement la 5ème économie sur le continent africain, est un partenaire économique avec un fort potentiel commercial. Dans ce cadre, la signature de l’Accord de Libre Échange, en 2004, a permis le développement des relations économiques, malgré la perception réservée de l’Occident. La volonté des investisseurs turcs au Maroc est de soutenir le développement de l’économie marocaine et de rehausser le niveau de vie tout en assurant un transfert de technologie et de connaissances et en travaillant la main dans la main avec les Marocains. L’exemple concret actuellement est le montage pour l’export de véhicules automobiles, réalisé par des entreprises marocaines avec des pièces produites en Türkiye. Un autre exemple est celui de produits cuisinés et préparés par un investisseur turc à Casablanca, exportés principalement vers les pays d’Afrique. L’industrie textile turque, très active dans le Royaume, permet aux Marocains d’avoir accès à des produits de qualité avec un prix abordable par rapport aux prix du marché. Il faut citer l’exemple d’un investisseur turc dans le textile en coton qui réalise, à Rabat, des produits finis de haute qualité. La Türkiye entreprend aussi des investissements de grande envergure dans les secteurs de l’habillement, la chaussure, le tissage de tapis et les pièces détachées automobiles. Ces activités ont nécessité la construction de grandes usines de productions avec des technologies nouvelles sur le continent africain, contribuant fortement à la production marocaine y compris à l’export. Dans la distribution, l’entreprise BIM, qui a essuyé des critiques pour ses activités au Maroc, assure 70% de produits marocains dans ses ventes au niveau de ses 605 magasins. Malgré les difficultés et la conjoncture, les prix de vente chez BIM sont en-dessous des prix du marché et ont entraîné une baisse des prix de ses concurrents occidentaux. Cette baisse des prix en faveur du pouvoir d’achat des citoyens marocains ne pouvait pas être l’objet de plaintes chez les consommateurs marocains eux-mêmes, mais plutôt malheureusement chez des chaînes de supermarchés occidentales qui ont été obligées de baisser leurs prix de vente. Les investissements turcs au Maroc ont permis une meilleure connaissance de la Türkiye par la société marocaine. Cette situation a d’ailleurs contribué à la multiplication de mariages mixtes et à l’augmentation du nombre d’étudiants marocains en Türkiye ainsi que l’apprentissage de la langue turque par les Marocains. Ces développements relationnels et humains contribuent, à leur tour, aux investissements réciproques. Il faut insister sur le fait que l’augmentation des mariages mixtes et l’apprentissage de la langue turque par les étudiants marocains contribuent à l’enrichissement des liens sociaux, lesquels renforcent les relations économiques et créent des opportunités d’embauche pour de nombreux jeunes Marocains demandeurs d’emploi. Il est également important de rappeler que les Marocains peuvent voyager jusqu’à 90 jours en Türkiye sans visa. Au cours des dernières années, nous avons constaté une forte augmentation de touristes marocains sur la destination turque. Cela contribue largement aussi aux échanges culturels entre nos deux pays.
Depuis quelques années, on remarque une montée en puissance des entreprises turques présentes sur le marché marocain. Une présence surtout notable dans les secteurs du commerce, de l’industrie et des services. C’est une belle réussite, mais ce n’est pas le cas des entrepreneurs marocains, dans l’autre sens… Quels conseils donneriez-vous aux opérateurs marocains qui voudraient lancer ou développer leur business en Türkiye ?

La Türkiye est un pays ouvert aux investissements étrangers. Les flux investis dans un pays étranger sont une question de choix et de rentabilité. Les investisseurs marocains ont apparemment tendance à choisir les pays francophones en raison de la proximité linguistique. Mais ce choix est en train de changer du fait du nombre croissant de mariages mixtes et des étudiants marocains qui partent étudier en Türkiye et qui apprennent la langue turque. Le développement des relations sociales, à long terme, va entraîner un accroissement des liens économiques en faveur des investissements marocains. Ceux-ci peuvent organiser des rencontres entre organisations professionnelles et plus particulièrement avec l’Office des Investissements, qui dépend du Palais Présidentiel, et avec le Conseil des relations économiques extérieures (DEIK), qui est l’équivalent du patronat (CGEM) au Maroc. Le Conseil d’affaires turco-marocain, dépendant de DEIK, a effectué une visite au Maroc en mai dernier. Ses membres ont rencontré les responsables de la CGEM, ainsi que de la Chambre de Commerce, d’Industrie et des Services de Casablanca-Settat (CCIS) et de l’Agence Marocaine de Développement des Investissements et des Exportations (AMDIE). La co-présidence marocaine du Conseil d’affaires turco-marocaine est assurée par M. Najib Chraïbi. Les entreprises marocaines désireuses d’investir en Türkiye ont ainsi des points de contact pour demander de l’assistance et du conseil avant d’investir. Sans oublier l’avantage des deux langues, l’arabe et le français, largement parlées à un très bon niveau par les Marocains, leur permettant de s’adresser efficacement au marché de travail en Türkiye.
La culture, la gastronomie et le cinéma turcs ont conquis le monde et ont un public de plus en plus large au Maroc. Quel est le secret du fantastique succès de ces sagas «Made in Türkiye»…?

Les séries télévisées turques n’ont pas d’équivalent et ne ressemblent, en réalité, à aucune autre. C’est un genre à part entière, au même titre que le soap-opéra américain ou la telenovela sud-américaine. Elles n’ont pas de décor préfabriqué. Les séries «respirent» la liberté, l’extérieur et le réalisme : lieux publics, jardins, centre historique d’Istanbul… On se rapproche ainsi davantage d’un film de la vie réelle ! Cela permet aux téléspectateurs de s’identifier aux héros et héroïnes de ces séries. Leur temps de diffusion est également long, environ 90 minutes. Sans oublier que les séries turques, qui sont diffusées même en Amérique du Sud, rapportent environ 2 millions de dollars de revenus d’exportation et les placent en deuxième position dans le monde. Elles ont pour sujets tous les genres : périodes ottomanes, amours impossibles entre classes sociales différentes, thrillers, affaires d’État, histoires mafieuses… Dans des pays aux valeurs plus traditionnelles comme le Maroc, elles sont très bien accueillies par le public pour les motifs que je viens de citer. La façon d’exprimer les sentiments chez les deux peuples est très similaire. Les Marocains retrouvent les mêmes sentiments dans les séries turques.
Une proximité de vues existe, sur le plan politique, entre Rabat et Ankara dans la manière d’approcher la conjoncture internationale. Selon vous, existe-t-il des horizons nouveaux de convergences pour multiplier les ponts et mieux rapprocher les deux pays autour des grandes questions de l’heure ?
Bien sûr. Nous nous trouvons à deux points stratégiques de la géographie mondiale : le Bosphore et Gibraltar. L’un contrôle l’entrée dans la Méditerranée, l’autre la mer Noire. C’est un potentiel permettant de protéger la paix dans les deux régions. Surtout, la position internationale des deux pays sur le continent africain constitue un témoignage, aussi énorme que nouveau, de la coopération, de la solidarité et du partenariat développés de part et d’autre.
L’Union Européenne traîne encore et toujours dans les négociations en vue du projet d’adhésion de la Türkiye. Le Président Erdogan le fait remarquer de manière régulière. Est-ce que Ankara va garder patience encore longtemps sur ce dossier ou bien existe-t-il de nouvelles orientations vers d’éventuelles alliances stratégiques en dehors de l’Union Européenne ?
En tant que membre de la famille européenne, la Türkiye a non seulement eu une influence sur le développement politique, économique et socioculturel du continent, mais elle a été elle-même influencée par ces développements. Une analyse complète de l’histoire de l’Europe ne peut se faire sans tenir compte du rôle significatif que la Türkiye a joué sur ce continent. Comme dans le passé, le destin de la Türkiye et des autres pays européens sont étroitement liés aujourd’hui et le resteront demain. Dans ce contexte, notre objectif d’adhésion à l’Union Européenne était et reste un choix stratégique. L’adhésion de la Türkiye constituera un gain véritable pour l’Union Européenne, avec sa position géostratégique, son grand potentiel économique, sa population instruite et dynamique et sa politique étrangère visionnaire et multidimensionnelle. La Türkiye apportera une valeur ajoutée à l’Union Européenne, et non un fardeau ! Faire progresser cette relation dans le but ultime de l’adhésion reste d’une importance stratégique pour la Türkiye et l’Union Européenne. Dans ce sens, la Türkiye continue à œuvrer pour son adhésion complète malgré les divergences entre les États membres et la stagnation des négociations. Entre-temps, le contexte politique mondial continue à changer. Il y a eu un basculement de l’ordre établi suite à la deuxième Guerre mondiale. Comme notre Président de la République le rappelle très souvent maintenant, «le monde est plus grand que les Cinq». Pendant ce temps, la Türkiye développe ses partenariats avec différentes organisations régionales et se fraie un chemin en tant qu’acteur régional et mondial et en tant que médiateur. Surtout dans le contexte de la guerre Ukraine-Russie dans lequel la Türkiye joue un rôle stratégique, prouvant l’importance d’Ankara pour la paix en Europe et aussi dans le monde entier.
Sur le même plan géopolitique, Washington n’a toujours pas répondu à la demande d’extradition vers la Türkiye de Fethullah Gülen, accusé d’être derrière la tentative de coup d’État manqué en juillet 2016. Est-ce qu’il existe une alternative au partenariat avec les Américains, à travers de nouveaux axes tels que la Russie, la Chine, l’Inde, l’Afrique du Sud ou le Brésil… ?
Malgré les périodes peu propices aux coopérations bilatérales, nous avons avec les États -Unis des relations bilatérales, régionales et mondiales assez intenses. Mon pays est membre de l’OTAN comme les États-Unis. La lutte contre le terrorisme, les conflits en Syrie, en Afghanistan, en Libye, en Iran et en Iraq, y compris les différents événements qui se déroulent dans notre région, font partie de notre agenda commun : guerre Ukraine-Russie, conflit Azerbaïdjan-Arménie, tensions en Somalie et au Soudan… Les priorités de nos relations bilatérales sont aussi des sujets de priorités sécuritaires nationales : l’activité de l’organisation terroriste FETÖ aux États-Unis et l’extradition du terroriste leader de cette organisation vers la Türkiye, le soutien des États-Unis aux PKK/PYD/YPG en Syrie, les sanctions unilatérales des États-Unis envers mon pays… Nous continuons à travailler ensemble. Le 15 septembre dernier, notre Vice-Ministre des Affaires étrangères, S.E.M. Sedat Önal, a présidé à Washington, avec son homologue américaine, Wendy Sherman, le troisième tour des consultations du Mécanisme Stratégique Türkiye-États-Unis. Ces consultations ont confirmé la coopération étroite entre les deux partenaires de l’OTAN et ont permis des échanges sur l’état des relations bilatérales ainsi que sur les problèmes mondiaux et stratégiques. Du fait de sa position entre l’Europe et l’Asie, mon pays a le privilège de pouvoir toujours diversifier ses partenariats dans le monde, axés sur l’approche de Gazi Moustapha Kemal Atatürk : «Paix dans la patrie, paix dans le monde». La Türkiye est membre fondateur de l’Organisation des États Turcs, fondée en 2009. Elle a une ouverture sur le monde de la culture turque. Les relations avec ses membres se diversifient et se développent. Par ailleurs, mon pays est partenaire du dialogue de l’Organisation de la Coopération de Shanghai depuis 2012. Notre Président de la République, S.E.M. Recep Tayyip Erdogan, a participé pour la première fois au Sommet de cette Organisation, qui s’est déroulé les 15 et 16 septembre derniers, à Samarcande, en Ouzbékistan, suite à l’invitation du Président de la République, S.E.M. Shavkat Mirziyoyev. Le dépôt d’une candidature pour devenir membre de cette organisation peut être envisagée dans les années à venir. Nous suivons de près l’évolution des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud), mais nous entretenons également des relations bilatérales assez développées avec les pays membres, notamment la Russie et la Chine. Notre Président de la République a participé au sommet des BRICS en 2018. Le développement économique de la région Asie-Pacifique et son nouveau rôle international est accepté par le monde occidental. La Türkiye est aussi membre de l’Organisation de la Coopération Islamique. Cela lui permet d’entretenir des relations avec le monde musulman et aussi d’apporter la paix dans les régions de conflits. Mon pays a obtenu le statut de membre Observateur au sein de l’Union Africaine en 2005 puis de Partenaire Stratégique en 2008. Depuis cette date, nous avons organisé trois Sommets dont le dernier a eu lieu du 16 au 18 décembre 2021 à Istanbul avec pour thème «Un partenariat renforcé pour le développement et la prospérité communs». 38 pays africains ont participé au dernier Sommet et nous travaillerons avec nos partenaires africains pour la mise en œuvre des décisions de ce Sommet. Nous travaillons aussi depuis le milieu des années 90 à développer nos relations avec les pays d’Amérique latine et des Caraïbes. Nous avons obtenu le statut d’Observateur et de Partenaire Stratégique au sein des différentes organisations régionales. Cette diversité de partenariats sur tous les continents conforte le statut de mon pays sur le plan mondial actuel et lui assure la confiance de ses partenaires dans son rôle de médiation.
Le Président Erdogan s’est imposé comme un médiateur incontournable dans la crise entre l’Ukraine et la Russie. Sa médiation a d’ailleurs permis de débloquer les exportations de céréales à partir des ports ukrainiens en Mer Noire. Ce leadership n’est pas du goût des Occidentaux qui se montrent ouvertement jaloux des succès de la Türkiye sur la scène internationale. Votre sentiment là-dessus ?
La République de Türkiye est fondée par Gazi Moustapha Kemal Atatürk sur le principe «Paix dans la patrie, paix dans le monde». Pour cette raison, mon pays n’est pas un État belliqueux. Il joue, à juste titre, un rôle de médiateur au niveau international. Dans ce sens, la Türkiye a pris l’initiative dans le conflit entre l’Ukraine et la Russie car celle-ci est un pays voisin avec qui lequel avons des liens étroits et l’Ukraine est un partenaire important. Nous œuvrons pour le règlement du conflit qui se déroule à notre porte et qui tue des civils. Les États européens n’ont pas participé aux négociations de ce conflit qui menace la sécurité alimentaire mondiale car les deux pays concernés sont de gros producteurs de céréales et d’engrais agricoles. En constatant que la situation alimentaire mondiale est en danger, mon pays a décidé de réunir les parties afin de trouver une issue favorable. L’accord entré en vigueur le 1er août 2022 n’est valable que pour trois mois et prendra fin le 19 novembre prochain. Mon pays a été soutenu dans sa démarche par les Nations-Unies. Suite à cet accord, le cours mondial des céréales a chuté, selon les données de l’Organisation des Nations-Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture (FAO). Les engrais agricoles sont importants aussi pour la production agricole de mon pays. Les productions de la Russie ne sont pas incluses dans les sanctions, mais l’accès au service portuaire des navires russes, les assurances ainsi que les services bancaires sont visées par les sanctions. Par ailleurs, nous avons aussi assuré la continuité des exportations par voie terrestre dans l’éventualité d’un retrait des deux pays de cet accord. Grâce aux interventions d’Ankara au niveau international, la Russie peut exporter sa production. La jalousie des pays européens n’est pas fondée car ils sont les principaux bénéficiaires de l’accord conclu pour les exportations des céréales. Mon pays ne fait que défendre ses intérêts et assurer la sécurité alimentaire mondiale. Pour ce faire, la Türkiye profite de son emplacement géographique, son histoire et ses liens économiques et internationaux. C’est notre richesse de pouvoir approcher autant de parties !
La tension est montée récemment entre Ankara et Athènes avec l’incident des avions turc pointés en Mer Égée par des avions grecs. Alors, escalade ou apaisement ?
Le motif principal de la tension avec la Grèce est la gêne ressentie vis-à-vis du rôle international joué par la Türkiye. Nous avons d’abord signé un accord avec la Libye sur la délimitation des zones maritimes. Par la suite, nous avons notifié aux Nations-Unies la délimitation ouest de notre plateau continental et nous avons empêché l’accès à cette zone aux navires étrangers. Les navires grecs, chypriotes grecs et d’autres pays ont essayé à neuf reprises d’entrer dans cette zone. La Türkiye tient un rôle majeur dans les conflits en Ukraine et dans le Caucase, ainsi que dans les Balkans. Par ailleurs, les récents problèmes de sécurité des approvisionnements alimentaires et énergétiques ont renforcé sa position internationale. Ankara joue la médiatrice en qui l’opinion internationale a une confiance totale. La Grèce a du mal à accepter la réussite et la visibilité internationale de la Türkiye ! Par ailleurs, mon pays ne participe pas aux sanctions contre la Russie, ce qui entraîne une arrivée massive de touristes. Cela gène la Grèce qui est contrainte de suivre les instructions de l’Union Européenne. Les tensions créées par les Grecs dans la mer et dans l’espace aérien ne sont que la conséquence de la réaction d’Athènes face à la réussite internationale d’Ankara.
Un mot sur la Fête de la Victoire qui aura, cette fois, une dimension particulière…
Nous célébrerons, en effet, le 100ème anniversaire de notre Fête de la Victoire. L’année 2023 marquera un siècle depuis la proclamation de notre République par le Grand Parlement de Türkiye (TBMM). La République de Türkiye a été proclamée le 29 octobre 1923. Nous célébrerons également le 500ème anniversaire de l’Institution de la diplomatie turque. La Conférence des Ambassadeurs, organisée au mois d’août dernier, a été une préparation pour 2023, qui sera une année de célébration au Maroc avec l’organisation de diverses activités par notre Ambassade.
Et pour finir, un mot sur le dossier du Sahara marocain…
En matière de politique internationale, notre principe de neutralité reste invariable. Nous observons les développements de ce dossier avec beaucoup d’attention, sans interférer dans ses composantes. Le Maroc a le droit de défendre ses positions, y compris auprès d’Ankara, car la diplomatie reste le canal le plus efficient pour asseoir la crédibilité d’une cause. J’espère que ce différend aura une issue rapide car cela fait trop longtemps qu’il dure.