«Omerta» !

Par HASSAN EL ARCH
Directeur de la Rédaction
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L’«omerta» n’est pas une culture propre aux mafias italienne, japonaise, mexicaine ou américaine. C’est leur marque de fabrique, mais pas leur exclusivité. Au Maroc aussi, la loi du silence existe. Dans les Universités et les grandes écoles, en l’occurrence. Le scandale «bonnes notes contre sexe» nous en rappelle la réalité depuis quelques jours. Même si beaucoup de gens étaient assez naïfs pour ne pas y croire ou alors font semblant de s’en offusquer, aujourd’hui que le débat est sur la place publique.
Le chantage aux bonnes notes dans les contrôles aux examens et aux passages de thèses est un secret de polichinelle dans notre société comme sous d’autres latitudes, d’ailleurs. Le phénomène est universel. Il est partout où sévissent des crapules avec un bout de pouvoir et, en face, des victimes trop faibles pour se défendre ou trop terrorisées pour dénoncer le délit. Ou crime, devrait-on dire ? La sémantique est importante ici, car entre l’une et l’autre notion, la différence s’efface et l’on ne retient que l’extrême gravité de l’acte : contraindre un être humain à intégrer la compromission, à assumer la honte, à troquer la dignité contre un bulletin de notes ou un diplôme, à accepter la prostitution, pour tout dire. Car c’est de cela qu’il s’agit au bout du compte.
Le «professeur» de l’ENCG d’Oujda n’est pas mieux qu’un client de bordel ou, pire encore, un proxénète. Qui plus est, doublé de voyou sans morale et opportuniste au long cours. Combien d’étudiantes sont tombées dans ses filets avant que la énième victime décide de briser l’«omerta» et faire éclater la pastèque, comme on dit en bon dialectal de chez nous ? Au demeurant, peut-on jeter l’opprobre à cette étudiante qui a attendu près de trois ans (!) avant de hurler son ras-le-bol parce que le chantage devenait intenable ?
L’affaire a éclaboussé l’institution universitaire. Elle a dépassé les frontières aussi, mais qui s’en étonnerait avec la caisse de résonance des réseaux sociaux ? Des Associations se sont constituées partie civile dans cette affaire et l’administration de tutelle a suspendu le «professeur» et sanctionné sa hiérarchie directe pour passivité. «C’est tout ? Cela ne relève-t-il pas du pénal ?», s’interrogeait mon chauffeur de taxi, ce matin. Je lui ai demandé s’il avait une fille qui poursuivait ses études universitaires et s’il était serein devant ses bonnes notes… Il n’avait pas besoin de répondre à la question. Son regard dans le rétroviseur me disait que j’avais formulé la question à ne pas poser à un père de famille…