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EDITO

Des chiffres et des bobos

Par HASSAN EL ARCH

Directeur de la Rédaction

direction@letempsmag.ma

Il y a – et il y aura toujours – des chiffres qui donnent le tournis. Ceux que l’on a ingurgités récemment à propos du système de la santé au Maroc ne dérogent pas à la règle. Des experts et des décideurs marocains et étrangers ont, en effet, planché récemment sur cet incommensurable chantier, dans le cadre de l’un de ces grands débats chers à la société civile depuis l’avènement du coronavirus et de ses effets sans fin. Conjoncture oblige, bien évidemment… Les chiffres dont il est question ont trait au financement de la santé dans le Royaume, à la contribution directe des ménages aux dépenses de soins, aux «normes» socio-économiques (si tant est qu’il en existe encore) défendues par l’Organisation Mondiale de la Santé, aux défis structurels de la protection sociale au Maroc… Derrière les chiffres, il y a des tendances, des constats et des projections. Les spécialistes aiment bien ce genre d’exercice car il leur permet de partager leur bagage cognitif avec une opinion publique qui perd parfois ses repères à défaut de perdre ses certitudes.

Un long débat, fort intéressant au demeurant, a été organisé le 8 juin dernier par la Chambre de Commerce Britannique au Maroc avec la collaboration d’organismes et administrations concernées par le chantier de la santé. Le but : mettre en évidence les défis et les opportunités liés à la mise en place d’un système de soins de qualité à la disposition des citoyens. Au-delà des vérités et des contre-vérités qui ont alimenté ces joutes oratoires, quelques chiffres, disions-nous, méritent qu’on s’y arrête un petit peu pour mesurer l’ampleur du défi…  La réduction de la contribution directe des ménages a mis toutefois presque tout le monde d’accord, soulignée avec force comme étant l’un des principaux défis posés au système de la santé au Maroc. Si l’on en croit les et les autres, elle pèserait en effet pour près de 50% des dépenses de santé, au moment où l’OMS recommande un seuil tolérable de 25%.

Autre indicateur intéressant : le budget de la santé au Maroc s’élève à près de 30 milliards de DH en 2023 ! Les sources de financement sont pour 24,4% liées aux recettes fiscales, pour 50,7% aux dépenses directes des ménages, pour 22,4% à l’assurance-maladie, pour 1,2% aux employeurs et pour 1,3% à la coopération internationale. C’est Abdelouahab Belmadani qui l’assure. On l’en croit volontiers car c’est le Directeur de la Planification et des Ressources financières au ministère de la Santé et de la Protection sociale.

Un autre expert enfonce le clou. Il s’agit de Said Addi, chef de la Division des Secteurs sociaux à la Direction du Budget au ministère délégué chargé du Budget. Ce haut responsable explique à qui veut bien l’entendre qu’entre 2014 et 2022, l’État a mobilisé plus de 13,6 milliards de DH dans le cadre des disponibilités du Fonds d’appui à la cohésion sociale pour le financement du Ramed. Lequel Ramed a été transformé en «AMO-Tadamon» dès le 1er décembre 2022. Le même responsable rappelle par ailleurs que 9,5 milliards de DH ont été consacrés par la Loi de Finances 2023 à la prise en charge des personnes assujetties actuellement aux régimes «AMO-Tadamon» et 8 milliards de DH à la mise à niveau du système national de la santé.

Les chiffres deviennent quasi-abstraits à partir d’un certain seuil de gigantisme. Ils en perdent même tout sens des réalités pour le contribuable ordinaire. En particulier celui qui s’est longtemps senti exclus du système et qui ne comprendrait pas, même avec un peu de pédagogie, qu’en matière de contribution directe des ménages, le Maroc ne fasse pas encore aussi bien que le recommande l’OMS.

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