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EAU

Le stress hydrique fortement ressenti au Maroc cet été

53 centres au Maroc seront probablement en déficit hydrique pendant l’été 2021, soit 7% du total du réseau national d’eau. C’est l’inquiétant constat qui ressort d’une étude menée récemment par l’Office National de l’Électricité et de l’Eau potable (ONEE). Réchauffement climatique, gestion approximative de la politique de l’eau, irrigation agricole… Autant de facteurs qui amènent le Maroc dans un état de stresse hydrique élevé. Toutefois, un plan d’urgence a été initié par le ministère de l’Intérieur afin d’approvisionner les zones menacées de rareté en eau potable.

Selon l’ONEE, «31 centres connaissaient déjà un déficit hydrique et la liste risque de s’allongée car 22 autres centres sont menacés de l’être pendant cet été», notamment à cause de la forte demande occasionnée par l’Aïd Al Adha, accentuée par les récentes fortes chaleurs. Selon l’Office, 33 centres devraient en effet connaître un déficit inférieur à 25%, alors qu’il serait compris entre 25% et 50% pour 16 autres centres.

Les autorités locales sous pression

De nombreuses villes du pays sont menacées par la pénurie d’eau potable, à savoir Chtouka Aït Baha, Sidi Allal Bahraoui, Zagoura, Bouarfa, Rehamna, Taounate, Chaouen et Ouezzane. L’ONEE explique que «les centres qui enregistrent en ce moment un déficit d’alimentation en eau potable sont généralement en manque de ressource mobilisable. Ces centres sont implantés dans des zones à faible potentiel hydrique ou vulnérables aux conditions climatiques comme la sécheresse». L’Office précise que la pénurie d’eau dans ces zones s’explique par le recul de la production de la ressource, la surexploitation des nappes par l’irrigation agricole et la saturation des installations de production et de distribution d’eau.

Soucieux d’atténuer le déficit hydrique au niveau de ces centres, le ministère de l’Intérieur a initié un plan d’urgence d’approvisionnement en eau potable au profit des populations touchées. Dans un courrier adressé à la Trésorerie Générale du Royaume, le ministère de l’Intérieur invite à «autoriser les Trésoriers Régionaux, Préfectoraux et Provinciaux à porter assistance aux sous-ordonnateurs qui seront amenés à recourir à la procédure des marchés négociés». Urgence de l’opération oblige, le ministère de l’Intérieur a également ouvert des crédits aux Walis et Gouverneurs des différentes zones touchées afin de financer l’acquisition de camions-citernes et des réservoirs de stockage d’eau ainsi que les autres charges liées à la main d’œuvre et, le cas échéant, à la location de camions-citernes supplémentaires.

D’autres actions sont en cours de réalisation par les Directions Régionales. Il s’agit notamment d’opérations de nettoyage et d’approfondissement des puits existants pour en augmenter le débit ainsi que de la maintenance des canaux de distribution d’eau permettant une meilleure production. Des opérations de surveillance continue des ouvrages sont par ailleurs initiées en vue d’intervenir instantanément pour la réparation des fuites, ce qui permet de minimiser toute forme de pertes d’eau. Le ministère de l’Intérieur a également ordonné l’installation d’équipements provisoires dans certaines villes touchées, avec le concours des Agences régionales des Bassins Hydrauliques. Par ailleurs, des solutions pérennes, permettant de garantir la continuité du service de l’eau, sont en cours d’exécution, via notamment la réalisation de nouvelles stations de traitement. C’est le cas des centres de Laâyoune et Tarfaya. Quant aux stations de traitement d’eau existantes à El Kalâa, elles sont en cours d’extension. «Les investissements prévus pour résorber le déficit au niveau des 53 centres concernés s’élèvent à environ 3,21 milliards de DH», indique l’ONEE.

Quid de la proximité des barrages ?

Contre toute attente, certaines villes frappées par la pénurie d’eau sont limitrophes de gros barrages ! Un paradoxe qui suscite des interrogations sur la pertinence de la politique de gestion de l’eau dans certaines régions. Pourtant, une feuille de route Royale invitait, en 2019, les intervenants à s’atteler d’urgence à cette problématique. Parmi les mesures d’urgence définies, figuraient le creusement de puits, l’édification rapide de barrages, la construction de stations de dessalement et l’alimentation de certaines zones déficitaires par des camions-citernes. Deux ans après, la situation ne semble pas avancer, certains décideurs renvoyant les travaux à des échéances plus ou moins lointaines, notamment 2025, voire 2030…

À la question de savoir le pourquoi des arrêts d’approvisionnement en eau potable dans des zones proches de grands barrages, certains spécialistes dénoncent «le gap existant entre la réalisation des barrages et les infrastructures de distribution d’eau», ajoutant à cet égard que le cas des villes d’Azilal, Béni Mellal, Taounate et d’Ouazzane est édifiant. Selon les experts, ce déphasage résulte principalement de la pléthore d’intervenants qui rend difficile la mise en place d’une politique de planification cohérente. «Chacun travaille de son côté», confesse l’un des opérateurs intervenant sur ce programme. De quoi entraîner d’énormes pertes d’eau. De fait, le phénomène d’évaporation sur certains réseaux de transport d’eau pénalise la moitié de la ressource ! Cela concerne aussi bien l’eau potable que celle destinée à l’irrigation. Ces infrastructures doivent être réparées ou, mieux encore, étroitement surveillées. En attendant, ce sont les populations qui souffrent.

Le contre-exemple du nord

Contrairement à certaines régions menacées de pénurie d’eau, celle d’Al Hoceima fait office d’exemple. Les infrastructures locales ont, en effet, permis d’économiser l’équivalent de la consommation d’un an, en réparant particulièrement le réseau local de distribution. Néanmoins, si le Maroc reste encore loin d’une pénurie généralisée, «le pays est déjà en situation de stress hydrique élevé pour ce qui est l’eau potable», alerte l’ONEE. Certaines régions sont, en effet, en situation de déficit accentué, à cause de la période estivale qui enregistre une forte demande en eau. Selon l’Office, «la demande en eau en cette période caniculaire est multipliée par 2,5 fois, voire davantage dans certaines zones. À titre d’exemple, à Zagora, les cultures gourmandes en eau, le golf et les stations touristiques cohabitent dans un cadre de rareté de la ressource».

Le Maroc est dans une situation de stress hydrique, comme le souligne par ailleurs une récente étude de l’organisme international World Resources Institute, qui note que «le pays atteindra un niveau de stress hydrique extrêmement élevé d’ici à 2040». Les experts estiment qu’une région est en situation de stress hydrique lorsqu’elle passe sous la barre des 1.000 m3 d’eau potable par habitant et par an. Or, le Maroc est déjà considéré en stress hydrique avec seulement 500 m3 d’eau potable par habitant et par an, contre 2.500 m3 en 1960 !

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