Après moi, le déluge ! Au propre et au figuré !

PAR HASSAN EL ARCH
Une plaie, toute cette flotte qui nous tombe brutalement du ciel, bien au-delà de ce qui est utile et nécessaire. Et un cauchemar du point de vue urbanistique, dans une grande ville comme Casablanca.
Les extrêmes sont néfastes, on le sait depuis la nuit des temps. La même précieuse eau qui donne la vie, fait verdir la campagne, étanche la soif des hommes et du bétail et transforme les déserts en oasis, détruit les infrastructures et met en péril le semblant d’équilibre dans les lieux de vie. À trop forte dose, la pluie est aussi dangereuse que la sécheresse. Casablanca vient, une fois encore, de vérifier cette réalité. Pas seulement la mégapole, mais aussi de nombreuses localités du Royaume déjà vulnérables en temps normal parce que dépourvues de stratégies de crise face aux inondations. Mais parce que c’est la plus grosse agglomération du pays, Casablanca cristallise périodiquement les colères car elle est le miroir de tous les manquements, insuffisances, déséquilibres et autres inepties de gouvernance !
Ce qui se passe cette semaine dans ses artères, ses tunnels et ses quartiers à la périphérie n’est pas digne d’une cité qui se projette dans le 21ème siècle. Les images de souterrains inondés et de routes submergées par les eaux nous ramènent une décennie en arrière. Souvenons-nous-en : dans la nuit du 29 au 30 novembre 2010, il était tombé sur la région de Casablanca l’équivalent de 6 mois de précipitations. On se remémore encore le film kafkaïen de ces inondations. Et l’on sent sourdre en nous, citoyens, administrés et contribuables, de la colère, de l’indignation envers nos élus.
En dix années de gestion communale, la ville a englouti plusieurs milliards de DH dans des projets d’infrastructures (parfois pharaoniques) où la reddition des comptes n’a pas toujours été au rendez-vous. Dans une cité de près de 8 millions d’habitants, qui revendique environ 40% du PIB national et qui se veut le reflet du Maroc de demain, il y a matière à légiférer. Car, comme disent aujourd’hui les gens ordinaires face à leur triste vécu, «Wa Baraka, Safi !».
On sait, depuis longtemps que Casablanca a une situation géographique et géologique peu enviable quand on considère la question de la vulnérabilité. Une nappe phréatique alimentée en permanence par un fleuve sous-terrain, l’Oued Bouskoura, qui n’en finit jamais de charrier les eaux et, ce faisant, de fragiliser le socle même de la ville par en-dessous. On le sait. On a même grandi avec cette évidence. Doit-on mourir avec elle ? La question mérite d’être posée à nos élus. La plupart, on le sait, n’ont qu’un sujet en tête, en ce début 2021 : l’échéance des législatives de juin prochain, puis municipales, dans la foulée. Se faire élire. Coûte que coûte. «Bessif» ! Et après moi, le déluge. Au propre et au figuré. Le Conseil de la Ville et les Communes ? Une vache laitière. Les citoyens ? Des figurants dans une tragi-comédie banalisée. Lydec ? Un délégataire de service public qui dit faire ce qu’il peut dans la limite de ses moyens… Les milliards de DH engloutis depuis dix ans, quinze ans ? C’est le lubrifiant nécessaire pour huiler la machine de la rente. Il n’y a pas d’autres mots !