Le glouglou de l’inconscience

Par HASSAN EL ARCH
Directeur de la Rédaction
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L’heure est grave ! L’expression est galvaudée, dévoyée même, surconsommée au point d’en devenir une interjection vide de sens. Elle résume pourtant ce qui préoccupe près de 40 millions de Marocains : le pays a terriblement soif. La sécheresse est devenue la norme. La pluie s’est raréfiée. L’eau manque comme jamais auparavant. Le stress hydrique est désormais structurel. La terre et le bétail vivent des moments difficiles. La campagne s’angoisse. La ville s’interroge. Les campagnes céréalières sont en chute libre. Les barrages n’émargent pas au-dessus de 30%. Et les nouvelles ne rassurent point. De l’avis des experts, le Royaume connaît sa pire phase de sécheresse depuis un demi-siècle.
Tout cela n’empêche pas les gaspillages d’eau quasiment criminels maintenant, étant donné les circonstances…Tout se passe, en effet, comme si pour beaucoup de nos concitoyens, la ressource de l’eau est éternelle et sa raréfaction, une simple vue de l’esprit ! Sensibiliser à la préservation de l’eau, ressource précieuse entre toutes, est plus que jamais une responsabilité et un devoir pour chacun d’entre nous. En particulier pour les inconscients qui ne s’embarrassent pas de scrupules sous leur douche deux ou trois fois par jour par les chaleurs qu’il fait en ce moment, batifolent dans leur piscine, arrosent leur pelouse à satiété ou tripotent leur smartphone sans regarder le déluge de leur vaisselle… Oui, n’ayons pas peur des mots : c’est un comportement et un état d’esprit moralement, économiquement et socialement destructeurs ! La communauté a des droits sur l’individu, non l’inverse, car nous sommes censés vivre en bonne intelligence pour se protéger les uns les autres et veiller les uns sur les autres. Gaspiller franchement l’eau en cette période de sécheresse est un acte anti-social. L’État devrait légiférer mieux que ça !
Nous l’avons déjà souligné à maintes reprises sur ces mêmes colonnes. La grave sécheresse qui sévit aujourd’hui nous renvoie à nos cours d’histoire ! On comprend aisément, en effet, que des civilisations se soient déclaré la guerre dans l’antiquité pour un fleuve. Que des empires aient croisé le fer au Moyen-Âge pour une source ou un lac. Que des tribus aient été (et soient toujours) contraintes à l’exode face au sol craquelé… Qu’on le veuille ou non, le comportement des uns et des autres face au tarissement programmé de l’eau déterminera notre avenir immédiat. Les gaspilleurs sont au mieux irresponsables et au pire inconscients. Et, à n’en point douter, les deux conduiront nos enfants à la catastrophe, demain.
Le Maroc est à sec en 2023. Plus encore qu’en 2002. On a vécu des cycles de sécheresse par le passé, mais rien de tel comme aujourd’hui. La gouvernance de l’eau est désormais le vrai combat ! Le plus essentiel entre tous. Nous consacrons à ses implications un dossier succinct dans ce numéro, en préambule à un grand dossier dans notre édition mensuelle en version print.