Très humain, tout ça…

PAR HASSAN EL ARCH
C’est humain. Très humain. Dès qu’on sent souffler la plus légère brise, l’euphorie s’installe. Le rayon de soleil devient une providence. On remet le compteur du stress à zéro. La mémoire occulte la peine dans l’inconscient. On oublie rapidement. Dangereusement. Très humainement ! On en est là aujourd’hui avec le coronavirus. Tous les acquis que l’on a engrangés au fil des derniers mois l’ont été à un prix social et économique exorbitant. Mais ils n’ont jamais été aussi fragiles, ni aussi précieux. Parce qu’on risque de les perdre sur le fil d’une seule semaine !
On peut en discourir tant qu’on veut, le relâchement est patent. À trois jours de la saison d’été, il y a de quoi s’alarmer sans jouer aux Cassandre… La baisse des chiffres de contaminations observée entre fin mai et début juin a porté à croire que le pire est derrière nous. Faux ! Car, ce faisant, elle a nourri de l’insouciance chez une grande partie de la population, qui ne croit plus (ou plus tellement) à l’utilité des gestes barrières. Ni même à la nécessité de préserver les avantages chèrement payés depuis mars 2020.
La fatalité n’a rien à voir là-dedans, c’est juste mathématique. Les indicateurs des infections, des cas sévères et des décès se sont mis à remonter. La campagne nationale de vaccination a peut-être laissé croire, chez certains, que l’immunité était acquise avant l’heure et que la fin du cauchemar est quasi-actée, juste à temps pour planifier les congés d’été, se projeter dans les grandes vacances en famille, fantasmer sur les orgies de l’Aïd Al Adha et rêver d’une édition «Marhaba 2021» hors-normes…
La réouverture du ciel, cette semaine, même sous conditions, est le catalyseur de ce «trip» national ! La reprise des activités dans les restaurants, cafés, commerces, hammams, salles de sport et mosquées est une formidable soupape pour 36 millions de Marocains; personne n’aura l’outrecuidance de soutenir le contraire. Mais gare à la gueule de bois car le «réveil» pourrait survenir sans que l’on comprenne sa douleur. De cause à effet, s’entend.
L’inconscient est ainsi structuré qu’il refuse toujours la mise en évidence et les parallèles cartésiens. Mais c’est très humain, tout ça. Il faut être inhumain, en effet, pour le nier. Reste à savoir si l’humanité insouciante en nous saura, avant le coup de feu, gérer le compromis entre libertés individuelles et responsabilité collective !