À cœur ouvert avec Hind Abu-Shkhadim, productrice palestinienne

Productrice palestinienne dont le travail s’impose avec une force tranquille sur la scène cinématographique internationale, Hind Abu-Shkhadim fait partie de cette génération de voix qui façonnent un cinéma engagé, sensible et ancré dans les réalités de son peuple. Nous l’avons rencontrée en marge du Festival International du Film de Marrakech. Elle revient pour nous sur son parcours, sa vision de la production et la responsabilité particulière qu’elle porte lorsqu’il s’agit de raconter la Palestine à travers les images et les récits.
Pouvez-vous nous raconter vos débuts dans le cinéma ? Qu’est-ce qui vous a menée vers la production ?
Mes débuts dans le cinéma sont le fruit du hasard. Ma sœur est réalisatrice palestinienne et, lorsqu’elle étudiait le cinéma, elle manquait du soutien nécessaire, comme beaucoup de femmes dans ce domaine. C’est en cherchant à l’accompagner que je me suis rapprochée progressivement de la production. Ce n’était pas une décision planifiée : j’ai simplement voulu être présente pour elle, par conviction et par lien familial. J’avais étudié le théâtre et le management, rien qui ne me destinait réellement au cinéma. Mais en l’aidant sur ses premiers projets, nous avons constaté l’absence flagrante de productrices en Palestine. Cela m’a poussée à m’investir davantage. Nous avons depuis produit plusieurs films ensemble. C’est ma relation avec ma sœur et ma foi en son talent qui ont été le point de départ de mon parcours.
Quelles sont, selon vous, les qualités essentielles d’une bonne productrice dans un contexte aussi exigeant que le cinéma palestinien ?
Le cinéma palestinien exige avant tout une immense capacité d’adaptation. La situation sur le terrain est imprévisible : un lieu peut être fermé soudainement, un tournage interrompu pour des raisons politiques, des autorisations annulées sans préavis. Dans ce contexte, une productrice doit faire preuve de flexibilité, de patience et d’une grande résilience. Il faut savoir gérer des obstacles constants, accepter que les circonstances échappent parfois totalement à notre contrôle, et continuer malgré tout. Ne pas céder au découragement est essentiel. Ce sont, pour moi, les qualités fondamentales pour travailler dans notre cinéma.
Comment abordez-vous la responsabilité culturelle et émotionnelle qui accompagne les projets racontant la Palestine ?
Je considère que l’art porte un message et une responsabilité. C’est un outil essentiel pour préserver la mémoire, le patrimoine et l’identité d’un peuple. En Palestine, cette dimension est encore plus forte, car nous faisons face à des tentatives répétées d’effacement culturel et historique. Le cinéma devient alors un acte de résistance : il affirme notre existence, raconte nos histoires et ancre notre identité dans la durée. Pour moi, produire un film palestinien, c’est contribuer à faire entendre cette voix, à préserver cette mémoire et à défendre la présence palestinienne dans toute sa profondeur humaine, culturelle et politique.
Travaillez-vous déjà sur un nouveau film ou un projet futur dont vous pouvez nous parler ?
Oui, je travaille actuellement sur un documentaire réalisé par ma sœur. Il explore un très ancien café de la ville Al Khalil, un lieu chargé d’histoire. À travers ce café, nous retraçons près de cent ans de mémoire de la ville, ses évolutions culturelles, sociales et politiques. Je développe également un autre film avec un réalisateur différent, mais il est encore trop tôt pour en révéler les détails. Le projet est en phase initiale, et je préfère en parler lorsque sa structure sera davantage établie.
Entretien réalisé par LAIDIA FAHIM



