AGH milite pour une réforme du système de santé mondial menée par l’Afrique

Sous le ciel limpide du Rwanda, une nouvelle page de l’histoire sanitaire du continent s’est écrite. Du 3 au 5 novembre derniers, en effet, la capitale rwandaise a accueilli l’Africa Regional Dialogue on Global Health Reform, une rencontre de haut niveau orchestrée par AMREF Health Africa. Pendant trois jours, décideurs politiques, experts en santé publique et innovateurs venus de 54 pays africains se sont réunis autour d’un même objectif : repenser la gouvernance mondiale de la santé pour en confier enfin les leviers aux institutions africaines.
Depuis la pandémie du «Covid-19», les limites du système de santé mondial sont apparues avec une acuité nouvelle : dépendance aux importations, vulnérabilité des chaînes logistiques, inégalités d’accès aux vaccins et aux soins… Mais ces failles ont aussi révélé une opportunité historique; celle pour l’Afrique de concevoir un modèle de santé publique fondé sur ses propres réalités, ses priorités et ses forces.
Le dialogue de Kigali s’inscrit dans la continuité de cette dynamique. Porté par la vision d’une souveraineté sanitaire africaine, il fait écho aux grandes initiatives continentales : la Déclaration d’Accra sur la Réinitialisation Sanitaire, présentée en marge de la 80ème session de l’Assemblée Générale des Nations Unies, le Nouveau Régime de Santé Publique prôné par l’Africa CDC et l’Agenda 2063 de l’Union Africaine, qui ambitionne une Afrique autonome, résiliente et innovante.
AGH : une vision stratégique
Parmi les acteurs présents, l’ONG African Global Health (AGH) s’est distinguée par son approche scientifique et sa vision stratégique. Représentée par Zineb Belkhayat, psychologue clinicienne et Project Manager, et Dr Youssef Kendili, médecin et conseiller scientifique, AGH a contribué aux échanges de fond sur la réévaluation du fonctionnement des systèmes de santé au service de la souveraineté africaine.
Leur intervention s’est articulée autour d’une conviction forte : les politiques de santé ne peuvent plus être importées ni dictées depuis des bureaux éloignés du terrain. Elles doivent être co-construites à partir des besoins, des cultures et des contextes africains. Cette approche, qu’AGH défend depuis plusieurs années, repose sur une gouvernance collaborative et décentralisée où les communautés deviennent des acteurs clés de leur propre santé.
L’Africa Regional Dialogue a permis de poser les premières pierres d’un nouvel ordre sanitaire mondial. Pour AGH, il ne s’agit pas d’un simple plaidoyer, mais d’un chantier concret. L’organisation milite pour l’élaboration d’une Charte Panafricaine pour la Souveraineté Sanitaire, en partenariat avec des acteurs majeurs tels qu’ABC Health, Africa Health Business, le West African Institute of Public Health et Zenith Global Health.
Ensemble, ces partenaires forment un consortium inédit, décidé à œuvrer à la refondation des politiques de santé sur le continent. Une lettre d’intention a d’ailleurs été soumise à l’Africa CDC afin d’officialiser cette volonté commune d’unir expertise et plaidoyer. Plusieurs mémoradums d’entente ont été initiés avec d’importantes institutions africaines et internationales, traduisant une nouvelle ère de coopération opérationnelle.
Ce dialogue historique marque un basculement idéologique majeur : la santé mondiale ne doit plus se concevoir comme un modèle unique appliqué indistinctement, mais comme une mosaïque d’expériences et de savoirs où l’Afrique a toute sa place.
Les débats ont mis en lumière la nécessité d’un financement endogène, d’une production locale de médicaments et de vaccins, d’une régulation concertée et d’un renforcement des capacités humaines. L’objectif : bâtir un système capable non seulement de répondre aux crises, mais aussi de prévenir, d’éduquer et d’innover.
Pour Zineb Belkhayat, la souveraineté sanitaire passe par la formation et l’autonomisation des ressources humaines : «Investir dans les compétences locales, c’est garantir la durabilité du système de santé africain. Nous devons cesser de dépendre des structures extérieures pour nos recherches, nos innovations et nos politiques».
Dr Youssef Kendili, quant à lui, rappelle l’urgence d’une réorientation conceptuelle : «L’Afrique ne manque ni de talents ni de solutions; elle manque de reconnaissance institutionnelle et d’espace décisionnel. Repenser la santé mondiale, c’est d’abord redonner une voix légitime aux pays africains dans les instances où se prennent les décisions».
L’engagement d’African Global Health ne se limite pas aux forums et aux déclarations d’intention. L’ONG, fondée sur une approche intégrée santé-recherche-innovation, s’emploie à transformer les idées en dispositifs opérationnels. Ses programmes soutiennent les politiques publiques africaines à travers des initiatives concrètes : accompagnement technique des systèmes de soins, création d’unités de santé mentale et communautaire, et développement de plateformes d’échange entre chercheurs, praticiens et décideurs.
Une meilleure intégration
À Kigali, AGH a également plaidé pour une meilleure intégration de la santé mentale dans les stratégies continentales de réforme, soulignant que la souveraineté sanitaire ne saurait se limiter à la production pharmaceutique ou aux infrastructures, mais doit englober le bien-être psychologique, social et collectif des populations.
L’Africa Regional Dialogue a agi comme un catalyseur. Il a démontré que les réformes de la santé mondiale ne peuvent plus se faire sans (et encore moins contre) l’Afrique. Le continent représente aujourd’hui plus de 17% de la population mondiale, mais moins de 3% des investissements en recherche médicale. Ce déséquilibre, longtemps toléré, devient désormais politiquement et éthiquement inacceptable.
Kigali a résonné avec un mot d’ordre : rééquilibrer la gouvernance mondiale. Ce message, porté par des voix africaines fortes et crédibles, amorce une révolution silencieuse mais profonde; celle d’une Afrique qui ne subit plus les politiques de santé, mais qui les impulse, les oriente et les exporte.
En participant à cette initiative, African Global Health réaffirme sa volonté de contribuer à la construction d’une souveraineté sanitaire continentale. L’organisation s’inscrit pleinement dans cette nouvelle écologie de la réforme : une Afrique unie, interconnectée, capable d’innover et de négocier d’égal à égal avec les grandes puissances sanitaires. Car derrière les sigles et les stratégies se profile un enjeu beaucoup plus vaste : celui de la dignité. Redonner à l’Afrique les moyens de prendre soin d’elle-même, c’est affirmer sa place dans le monde et son droit à définir sa propre vision du bien-être.
En refermant ce dialogue de Kigali, les acteurs présents n’ont pas seulement échangé des idées. Ils ont posé les fondations d’un ordre sanitaire plus juste, plus inclusif et plus africain. Et au cœur de cette transformation, African Global Health s’impose comme un acteur incontournable, un catalyseur d’idées, un bâtisseur de ponts et un témoin d’une Afrique qui guérit enfin par et pour elle-même !



