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EDITO

Soif d’eau ? Non, de conscience !

Par HASSAN EL ARCH

Directeur de la Rédaction

direction@letempsmag.ma

L’expression est galvaudée, dévoyée même, surconsommée au point d’en devenir une interjection vide de sens. Mais elle résume pourtant ce qui préoccupe près de 40 millions de Marocains : oui, l’heure est grave ! Parce que le pays a terriblement soif. Parce que la sécheresse est devenue la norme. Parce que la pluie s’est raréfiée. Parce que l’eau manque désormais comme jamais auparavant. Le stress hydrique est bel et bien structurel depuis cinq années. La terre autant que le bétail vivent des moments difficiles. Les fellahs s’angoissent. La campagne souffre. La ville resserre les robinets. Et le ciel est désespérément sec.

Les spécialistes parlent de courbes, de statistiques et de théorie des cycles, dont nous sommes devenus otages, au fil des années, sans nous en rendre compte. Et pour cause ! L’eau a toujours été là. Pourquoi devrait-elle se raréfier ? Pourquoi les sources devaient-elles se tarir ? Pourquoi les puits devraient-ils s’assécher ? Pourquoi devrions-nous fermer plus souvent le robinet ? Pourquoi faudrait-il prendre notre bain moins souvent ? Pourquoi aller moins souvent au hammam, laver moins fréquemment les voitures, arroser moins généreusement les jardins, renoncer à piquer une tête dans la piscine ? L’eau, après tout, est intarissable ! Voilà le schéma de pensée sur lequel toute notre éducation et celle de nos enfants ont été forgées. Résultat : nous avions tout faux. La planète s’est chargée de nous le rappeler de la manière la plus cruelle. Les signes avant-coureurs étaient pourtant clairs depuis une décennie. Les décrypter plus tôt aurait pu nous démontrer l’ampleur de notre gabegie !

2024 a commencé sous le signe de la soif. Autant humaine qu’animale et agricole. La ressource la plus précieuse de l’univers, l’eau, menace désormais de nous faire défaut. Nous ne mourrons peut-être pas de soif aujourd’hui ou demain. Pas de notre vivant, peut-être. Mais nous léguons, déjà, à nos enfants le stress hydrique qui mettra à mal la vie sur Terre dans trente, quarante, au mieux cinquante ans. Faute de nuages suffisamment noirs et gorgés de pluies, comme les aiment les agriculteurs du Gharb, les bergers du Souss et les paysans du Rif, le Maroc est aujourd’hui en situation quasi-critique. Les prévisions actuelles pour le Royaume établissent à 80% la perte des ressources en eau au cours des 25 prochaines années. Selon le World Resources Institute, le Maroc atteindra un niveau de stress hydrique extrêmement critique vers 2040.

Nous consacrons à ce thème le dossier central du présent numéro. Où l’on explique, entre autres, que la notion de stress hydrique est l’état dans lequel se trouve une région lorsque sa demande en eau dépasse ses ressources disponibles. Où l’on réalise qu’une région est en situation de rupture hydrique lorsqu’elle passe sous la barre symbolique des 1.000 mètres cubes d’eau douce par habitant, sur une période d’un an. Seulement un an. On y est depuis cinq ans ! Du coup, on a soif non seulement d’eau, mais surtout de civisme et de sens des responsabilités.

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