Ce n’est plus du cinéma !

Par HASSAN EL ARCH
Directeur de la Rédaction
direction@letempsmag.ma
Avez-vous vu «Ex Machina» ? «Automata» ? «I-Robot» ? «Terminator : le jugement dernier» ? Avec beaucoup d’autres œuvres de la même veine, ces blockbusters ont en commun d’appartenir au genre le plus lucratif de l’industrie cinématographique à Hollywood : la science-fiction. Ils ont en commun aussi la dimension de la prophétie. Produits dans des scripts souvent différents, ils convergent néanmoins vers le même leitmotiv : l’homme sera asservi par la machine.
Le propos ici n’est pas le cinéma, mais ce que suggèrent ses scénarios visionnaires car ce qui tenait auparavant de la fiction devient peu à peu réalité. Et qui plus est, bien plus tôt que prévu. La révolution des intelligences artificielles est en train de créer une rupture sans précédent dans les rapports entre l’homme et la machine. ChatGPT en est le nom, l’expression et l’incarnation. En quelques mois seulement, son actualité a défrayé la chronique et a planté le sujet sur la place publique avec la gravité des grands débats existentiels. La communauté des scientifiques est de plus en plus unanime sur la question : on a ouvert la Boîte de Pandore ! Rien de moins. Car ChatGPT n’est pas seulement en train d’améliorer ou de changer la manière de travailler et de se divertir de millions d’utilisateurs dans le monde. Elle est en train de se substituer peu à peu à la pensée humaine dans divers domaines d’activité. Avec toutes les questions de fond que soulève cette (r)évolution…
Le dossier que nous consacrons à ce sujet dans le présent numéro (pages 18 à 25) s’est imposé de lui-même cette semaine entre méga-buzz international et questionnements sur la place publique au Maroc aussi, car le sujet devient récurrent depuis quelques jours sur les réseaux sociaux, dans les conversations au bureau, sur la terrasse des cafés après le Ftour, dans les échanges de messageries privées et professionnelles. Même si l’on n’est pas (encore) concerné comme le sont aujourd’hui les sociétés occidentales, on se passionne pour les intelligences artificielles et on fantasme sur leurs implications.
Ainsi que nous le rappelons dans le préambule de notre dossier, de nombreux experts à travers le monde s’inquiètent du virage technologique et de la dérive morale que génère l’usage de ces outils. Ultra-intelligents, sur-intuitifs, trop rapides… Aubaine ou cauchemar ? La réponse n’est pas évidente, même si la prospective prétend donner les clés pour comprendre et agir. Le problème avec ChatGPT est qu’elle séduit, défie l’imagination, ouvre des horizons insoupçonnés, mais interpelle l’humanité qui est encore en nous. «Nous ne sommes pas préparés. Nous ne sommes pas sur la bonne voie. Les progrès dans les capacités de l’IA sont largement en avance sur les progrès dans la compréhension de ce qui se passe à l’intérieur des systèmes», s’alarme Eliezer Yudkowsky, Directeur du Machine Intelligence Research Institute (États-Unis), blogueur, écrivain, créateur et promoteur d’un concept d’intelligence artificielle «amicale» et non agressive.
L’un dans l’autre, on comprend la nécessité d’un moratoire international pour bloquer certains compartiments de la recherche. Sous peine d’un non-retour fort probable au cours de la prochaine décennie !