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MÉDIAS

Presse écrite : le modèle actuel est en péril !

«Plus d’audience, mais moins d’entrées financières». Voici le triste constat qui découle de la crise sanitaire liée au «Covid-19» pour le secteur des médias au Maroc. Selon Mahtat Rakas, membre du Conseil National de la Presse, l’impact de cette pandémie sur la presse écrite, notamment sur l’activité «papier» dont les ventes sont en chute libre, nourrit des inquiétudes et suscite le besoin de repenser le «business model» de ce secteur.

Par Etienne Dally

C’est un véritable paradoxe ! Alors que le monde des médias occupe un rôle-clé en ces temps de crise sanitaire liée au «Covid-19» pour informer les citoyens du développement de cette pandémie et des mesures vitales à appliquer, le secteur de la presse (particulièrement les médias «papier» et les magazines) figure parmi les branches les plus affaiblies par la crise. Chute libre des commandes publicitaires, annulation de campagnes de communication, baisse drastique du nombre de ventes au numéro dans les kiosques…

Les faillites risquent de se poursuivre !

Dans ce contexte de récession, le Conseil National de la Presse (CNP) s’est récemment penché sur l’impact de la pandémie sur la profession, à travers la préparation en cours d’un rapport. «Nous ne pouvons pas nier que les pouvoirs publics ont fait un gros effort financier en soutenant les journaux, en versant les salaires des journalistes et des employés pendant des mois afin d’assurer la continuité du service public et protéger le pluralisme», a confié Mahtat Rakas, membre du CNP, à la Maison de la Presse, à Tanger.

Également Vice-Président de la Fédération Marocaine des Éditeurs de Journaux (FMEJ), il a aussi précisé que «tout cela nécessite aujourd’hui une évaluation objective pour réfléchir sur un système global et intégré du soutien public à la presse nationale». Selon lui, le secteur des médias ne peut pas continuer indéfiniment à travailler avec des mesures exceptionnelles.

Revenant sur le soutien financier reçu par le secteur, Mahtat Rakas déplore cependant que «malgré l’importance de l’effort financier public, il a été entaché de déséquilibres en termes d’équité et d’égalité, avec l’existence de fortes disparités entre ses bénéficiaires». Dans ce contexte, le Vice-Président de la FMEJ a exprimé ses craintes que la faillite des entreprises journalistiques ne se poursuive ! «Il est impératif et urgent, aujourd’hui, de faire une réflexion sérieuse commune entre les pouvoirs publics, les représentants des éditeurs professionnels et le Conseil National de la Presse pour mettre en œuvre une politique générale et courageuse, avec une vision globale pour l’avenir», insiste-t-il.

Coût de production de plus en plus onéreux

Abordant le chapitre sur la chute des ventes au numéro au kiosque, Mahtat Rakas a souligné plus particulièrement la situation des supports de la presse quotidienne, dont le tirage par jour ne dépasse plus la barre des 40.000 exemplaires, tous titres confondus. Selon lui, cette configuration «a annulé tout débat stérile sur les «grands» et les «petits» journaux». Pour Mahtat Rakas, «il faut plutôt parler d’exigences, de sérieux et de crédibilité des contenus, avec une réflexion aussi sur les mécanismes de renforcer les rituels de la lecture en général chez les jeunes et les élites». À cet égard, il a plaidé pour s’appuyer sur l’initiative du CNP en vue de créer un Fonds national de soutien à la lecture, en coopération avec un certain nombre d’institutions publiques et privées dans le cadre d’un partenariat. «Il faut aussi, dans ce contexte, trouver une solution urgente et réelle à la situation de l’unique société de distribution de journaux du pays qui, malgré un soutien public généreux, n’a pas réussi à sortir de la crise. Ceci nous oblige aujourd’hui à nous mettre d’accord sur une véritable alternative afin d’assurer la diffusion des journaux aux lecteurs dans les différentes régions du Royaume».

Mahtat Rakas a par ailleurs souligné le coût de production de plus en plus onéreux du journal «papier», outre les questions d’approvisionnement et du prix du papier, l’impression et la distribution. Pour lui, tous ces aspects nécessitent la mise en place de l’accompagnement des entreprises dans une approche renouvelée du soutien public. «Cet accompagnement doit s’inscrire dans le cadre des lois en vigueur, et ce, à travers une démarche participative avec les représentants des éditeurs et du Conseil National de la Presse, ainsi que les pouvoirs publics compétents», a ajouté le responsable.

Élaborer un nouveau plan de sauvetage

Au plus fort de la crise sanitaire, le ministère de la Culture avait fait suspendre l’impression des journaux et magazines pendant les mois du confinement. «Cette décision a accentué la gravité des baisses des ventes», assure Mahtat Rakas, soulignant que cet aspect doit également être pris en compte lors de l’élaboration de tout nouveau plan de sauvetage, avec une attention envers les propriétaires de kiosques, les librairies et les distributeurs. De quoi permettre d’organiser toute la chaîne économique et marketing qui assure la production du journal, sa distribution et sa livraison aux lecteurs afin d’encourager la lecture. Dans ce contexte, la presse nationale mène aujourd’hui une bataille essentielle pour exister, avant de penser au développement et à la croissance ! «À mon avis, il faut ouvrir ce double chantier le plus tôt possible afin de protéger le secteur et assurer son développement, tout en permettant à notre pays de disposer d’une presse nationale crédible, de qualité professionnelle et pérenne», a-t-il souligné, ajoutant qu’il faut également remédier aux déséquilibres du secteur publicitaire. Le Vice-Président du Conseil National de la Presse rappelle la responsabilité des entreprises de presse qui, à leur tour, doivent s’efforcer de développer leurs structures internes et contribuer au renouvellement des contenus, au développement de l’attractivité du produit journalistique, au renforcement des formations continues pour l’enrichissement des capacités professionnelles, dans une approche respectueuse de l’éthique du métier.

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