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Et si les séniors réintégraient le marché du travail au Maroc ?

Le rôle des séniors dans le tissu socio-professionnel et le développement économique du pays s’invite de plus en plus au centre des débats au Maroc. Et pour cause : le Royaume fait face à un changement irréversible de la pyramide d’âge et donc à une augmentation accélérée du nombre de personnes âgées.

Sous le thème «Inclusion des séniors : une opportunité pour le développement social et économique», la Caisse Marocaine des Retraites (CMR) a organisé récemment des rencontres scientifiques à Rabat axées sur la nécessité de reconsidérer le rôle des séniors dans la société. «Il serait nécessaire de revoir la perception des séniors en considérant leur rôle dans la société comme force de travail, soit en tant que main d’œuvre qualifiée, entrepreneurs créateurs d’emploi ou en tant qu’acteurs actifs dans la société civile», a souligné d’emblée le Directeur de la CMR, Lotfi Boujendar. En clair, il s’agit d’en finir avec les stéréotypes des employés avec une «date de péremption» ou de percevoir le retraité comme un fardeau pour la société… «Les travailleurs âgés font souvent face à des stéréotypes, ce qui n’est pas sans conséquences sur l’estime de soi, le bien-être et la capacité à rester productif», a averti le patron de la CMR, soulignant que «la structure du marché du travail et les lois en vigueur peuvent parfois constituer une barrière à l’inclusion des séniors ou du moins ne pas l’encourager».

Un capital inestimable !
Cette catégorie de la population représente pourtant une matière grise qui a cumulé une expérience et un savoir-faire sur plusieurs décennies. Des compétences qui peuvent apporter une valeur ajouté au développement économique du pays. Allant dans le même sens, Mohammed Fassi Fihri, Directeur du Centre d’Études et de Recherches Démographiques (CERED) du Haut Commissariat au Plan (HCP), a déclaré que «le Royaume est appelé à tirer profit de ses ressources humaines, jeunes et séniors, pour bien profiter de la première et de la seconde aubaine démographique. L’avenir des séniors se profile au regard des jeunes d’aujourd’hui».
Pour le Directeur de la CMR, cette réflexion se justifie par le fait que le Maroc est en voie d’achever sa transition démographique, notamment avec l’effet combiné de l’amélioration de l’espérance de vie et de la chute de la fécondité. «Ces constats auront sans doute des répercussions inéluctables sur les besoins socio-économiques et sur l’équilibre des transferts intergénérationnels, qu’il faudra anticiper en repensant le modèle social qui organise la vie des individus en trois phases, à savoir une jeunesse studieuse, une maturité laborieuse et une retraite heureuse», a martelé Lotfi Boujendar. Cette trilogie, explique le Directeur de la CMR, se heurte aujourd’hui à une situation économique et démographique totalement différente de celle dans laquelle elle a vu le jour et qui ne permet plus de focaliser l’activité économique sur la tranche d’âge 25-60 ans. Il y a donc urgence à agir et à élargir le débat sur la reconsidération du rôle des séniors dans la société et leur réintégration dans le monde du travail.

Une menace pour les jeunes ?
Dévoilant quelques statistiques pertinentes, le Directeur du CERED a rappelé que «le Maroc affiche actuellement une espérance de vie de 76,7 ans. Les séniors sont autour de 6 millions d’individus, à ce jour, et les projections montrent que le Royaume devrait en dénombrer près de 12,9 millions en 2050». Mohammed Fassi Fihri a également fait remarquer l’augmentation de leur poids dans la population en âge d’activité, qui passera de 21,9% actuellement à 36,1% en 2050. Selon le haut responsable, les quasi-séniors (55-64 ans) sont au nombre de 3,2 millions de personnes au Maroc, précisant que 44% d’entre eux sont des actifs occupés et que 0,8% sont au chômage tandis que 55,2% sont en dehors du marché du travail. «Le taux d’emploi des quasi-séniors âgés de 55-64 ans s’élève à 44%, ce qui dépasse la moyenne nationale qui est de 41,6% et qui chute pour les 65 ans, à 17,2%», a-t-il précisé.
S’agissant de la réduction des chances d’emploi pour les jeunes en cas de réintégration des séniors, «les preuves empiriques montrent que l’augmentation de l’emploi de travailleurs âgés ne réduit pas l’emploi des jeunes», révèle Gustavo Demarco, économiste principal et responsable du volet Retraites à la Banque Mondiale. Pour sa part, le Secrétaire Général du ministère de l’Inclusion économique, de la Petite entreprise, de l’Emploi et des Compétences, Noureddine Benkhalil, estime que «le maintien en activité des séniors et leur inclusion dans le marché de travail constituent une opportunité incontournable de développement économique et social». Il a cité, dans ce sens, quelques dispositions favorables au maintien en activité des personnes âgées au Maroc, notamment le maintien en service pour le travail salarié, la législation des travailleurs non-salariés et le volontariat contractuel. Dans la même veine, il a souligné l’importance d’asseoir un système de formation tout au long de la vie, de mettre en place des mesures incitatives à l’activité des personnes âgées et d’adapter les postes de travail à même de maintenir les séniors en activité. «Les politiques relatives à l’activité des séniors et aux assurances sociales auront un rôle central pour les prochaines décennies», a-t-il conclu.

L’emploi des séniors est tributaire des secteurs
Selon la Pr Oumayma Achour, spécialiste en droit du travail à l’Université Mohammed V de Rabat, les départs massifs en retraite représentent une énorme perte professionnelle pour l’entreprise au Maroc. «Plusieurs sociétés ont décidé de réembaucher d’anciens retraités et d’instaurer des programmes de réintégration. Cette stratégie leur permet de profiter de la riche expérience et des nombreux savoir-faire des séniors au travail», explique-t-elle. Par contre, elle reconnaît que la problématique de l’emploi des séniors varie en fonction des secteurs d’activités, plus ou moins exposés à la pénibilité, et des niveaux de diplômes des travailleurs. De son côté, la Dr Mounia Sebti, médecin du travail, note que la médecine du travail exclusivement préventive est assez méconnue par les employeurs et les employés. Elle rappelle, à cet égard, la nécessité de mettre en place des services de médecine du travail dans l’ensemble des établissements afin de préserver la santé physique et morale des travailleurs, qu’ils soient jeunes ou séniors.

E. D.

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