Les risques systémiques au Maroc à la loupe de Bank Al-Maghrib
Le Comité de Coordination et de Surveillance des Risques Systémiques (CCSRS), présidé par le Wali de Bank Al-Maghrib, Abdellatif Jouahri, a tenu hier, mardi 24 décembre, sa 20ème réunion au siège de la Banque Centraleà Rabat.
Après avoir dressé le bilan de la feuille de route de stabilité financière couvrant la période 2022-2024, le Comité a analysé la cartographie des risques systémiques,passé en revue les résultats des travaux de son sous-comité mensuel et examiné plus globalement la situation du système financier et les tendances macroéconomiques observées et attendues. Le Comité a ainsi relevé ce qui suit :
La conjoncture internationale reste marquée par la persistance des tensions géopolitiques et le niveau élevé d’incertitudes et, après une notable résilience, l’économie mondiale devrait connaître une décélération à moyen terme. Au niveau national, la croissance économique devrait, selon les projections de Bank Al-Maghrib, ralentir de 3,4% en 2023 à 2,6%en 2024 avant de s’accélérer à 3,9% au cours des deux prochaines années. Pour sa part, l’inflation poursuit sa décélération et ressortirait au terme de l’année 2024 à 1% en moyenne, au lieu de 6,1% en 2023, puis s’établirait à des niveaux modérés, soit 2,4% en 2025 et 1,8% en 2026. Sur le volet des comptes extérieurs, le déficit du compte courant demeurerait contenu s’établissant à moins de 2% du PIB sur l’horizon de prévision, tandis que les avoirs officiels de réserve se renforceraient graduellement pour atteindre 400,2 milliards de DH à la fin de 2026, soit l’équivalent de près de 5 mois et 8 jours d’importations de biens et services. S’agissant des finances publiques, la consolidation budgétaire se poursuivrait à moyen terme avec un déficit, hors produit de cession des participations de l’État, devant s’atténuer de 4,5% du PIB (Produit Intérieur Brut) cette année, à 4,2% en 2025 puis à 3,9% en 2026. Dans ces conditions, l’endettement du Trésor devrait s’établir à 70,5% du PIB en 2024 avant de s’alléger à 69,5% en 2025 puis à 68,7% en 2026.
S’agissant du crédit bancaire, sa composante destinée au secteur non financier devrait voir son rythme s’accélérer progressivement, passant de 3,8% en 2024 à 4,2% en 2025 et à 5,5% en 2026, reflétant notamment l’amélioration prévue de l’activité économique. Le taux des créances en souffrance s’est élevé à 8,8% à fin octobre 2024 contre 8,4% à fin 2023, pour un taux de provisionnement de 68,8%.
Au terme du 1er semestre 2024, le secteur bancaire a enregistré, sur base sociale, une augmentation de 17,3% de son résultat net agrégé, à la faveur d’une amélioration des activités de marché et d’intermédiation. Cette performance a renforcé la solidité des banques dont les ratios d’adéquation des fonds propres ont atteint, à fin juin 2024, 16% pour celui de solvabilité et 13,3% pour les fonds propres de catégorie 1, sur base individuelle, des niveaux bien au-dessus des minima réglementaires de 12% et 9% respectivement. Sur base consolidée, ces ratios se sont établis à 13,8% et 11,9% respectivement. L’exercice de macro-stress test de solvabilité continue de montrer la résilience du secteur bancaire face aux scénarios de chocs simulant une forte détérioration des conditions économiques, le ratio de liquidité à court terme demeurant supérieur au minimum réglementaire.
Quant aux Infrastructures des marchés financiers, les résultats du suivi et des évaluations effectuées confirment de nouveau leur forte résilience aussi bien sur le plan financier que sur le plan opérationnel et laissent conclure qu’elles présentent toujours un niveau de risque faible pour la stabilité financière.
De même, le secteur des assurances a continué à démontrer sa solidité et sa résilience. À fin octobre 2024, les primes émises ont atteint 49,6 milliards de DH, en hausse de 4,5% par rapport à la même période de 2023. Cette augmentation a concerné aussi bien la branche non-vie (+4,6%) que la branche vie (+4,4%) qui a repris sa dynamique de croissance après la forte décélération enregistrée en 2023.
Sur le plan financier, le portefeuille des placements du secteur s’est apprécié de 4% à 243,4 milliards de DH. Pour leur part, les plus-values latentes ont augmenté de 62,3% par rapport à fin 2023 pour atteindre 35,2 milliards de DH, à la faveur de la reprise du marché boursier et de la baisse des taux. S’agissant du résultat net, il s’est apprécié de 8% en glissement annuel.
En termes de solvabilité, le secteur continue de dégager une marge moyenne largement au-dessus du minimum réglementaire sous le référentiel prudentiel actuel.
Au niveau de la place boursière de Casablanca, l’indice MASI poursuit sa tendance haussière, enregistrant au 17 décembre 2024 un gain de 22% par rapport au début de l’année. Le niveau de volatilité moyen reste modéré à 9,87% contre 6,87% au premier semestre 2024. Le PER (Price Earning Ratio) global du marché s’est situé à 17,7x au 17 décembre 2024, niveau inférieur à la moyenne des 5 dernières années (20x), en lien avec l’augmentation de la masse bénéficiaire des sociétés cotées. Pour sa part, le ratio de liquidité du marché boursier ressort en amélioration à fin novembre 2024 à 11,48% contre 9,50% une année auparavant.
Sur le marché obligataire, les émissions de BDT (Bons du Trésor) ont connu un recul à 169,2 milliards de dirhams à fin novembre 2024, contre 239,8 milliards de DH une année auparavant, et la tendance baissière des taux des BDT se poursuit, notamment sur le marché secondaire. L’encours de la dette privée a enregistré une hausse de 8,3% à fin novembre 2024 à 272,2 milliards de DH, mobilisée à hauteur de 59,7% pour le financement des établissements de crédit. Malgré une légère augmentation au premier semestre 2024, l’endettement net des émetteurs non-financiers par appel public à l’épargne reste à un niveau globalement maîtrisé, soit 55% des fonds propres pour les émetteurs cotés et 85% pour les émetteurs non cotés.
Au 13 décembre 2024, l’actif net des OPCVM (Organismes de Placements Collectifs en Valeurs Mobilières) a atteint 672,5 milliards de DH, en hausse de 20,13 % depuis le début de l’année. Les souscriptions nettes des investisseurs à cette date s’élèvent à 68,1 milliards de DH dont 33,97 milliards de DH concernent la catégorie OMLT (Operational Mentoring Liaison Team). Concernant les autres catégories d’OPC (Organismes de Placements Collectifs), les données à fin septembre 2024 montrent que l’actif net global des OPCI (Organismes de Placements Collectifs en Immobilier) s’élève à 96,9 milliards de DH, en hausse de 28,4% en glissement annuel, l’encours des fonds de titrisation se maintient autour de 17 milliards de DH et l’actif net global des OPCC (Organismes de Placements Collectifs en Capital) se situe à 2,8 milliards de DH, en augmentation de 3,9%.
Concernant la qualité des investisseurs sur le marché des capitaux, un regain d’intérêt des personnes physiques résidentes a été constaté aussi bien en termes d’ouverture de comptes titres, de nombre de porteurs de parts d’OPCVM que de volume des transactions réalisées en bourse.
Enfin, le Comité a fait le point sur la mise en œuvre des actions visant à renforcer la conformité et l’efficacité du dispositif national de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. Tout en saluant les progrès accomplis depuis la sortie du Maroc de la liste grise du GAFI (Groupe d’Action FinancièreInternationale), le Comité a rappelé la nécessité depoursuivre les efforts en perspective du troisième cycle des évaluations mutuelles du GAFIMOAN (Groupe d’Action Financière du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord) devant être entamé en 2026.