«Les évadés de Tindouf», un hymne au courage des Marocains
Orion Production, en collaboration avec Line’s Event et Iktisadcom, produisent le film de l’écrivain et journaliste Abdelhak Najib, intitulé «Les évadés de Tindouf». La sortie est prévue le 6 novembre prochain pour les célébrations de la Marche Verte. Un long-métrage qui plonge au cœur du conflit entre le Maroc, le «Polisario» et l’Algérie, sur la question du Sahara marocain, à travers le camp de Tindouf où se murent des dizaines de milliers d’innocents, détenus dans une prison à ciel ouvert.
Entretien réalisé par HASSAN EL ARCH
Le Temps : Le titre du film est très significatif. Il évoque une actualité brûlante. De quoi s’agit-il au juste dans ce film ?
Abdelhak Najib : Le film raconte le périple de cinq hommes et deux femmes, qui arrivent à s’évader des camps de Tindouf, après plus de 20 ans de détention, de torture et d’acharnements de la part de leurs tortionnaires. Cette évasion intervient sept jours avant la commémoration des 50 ans de la Marche Verte. C’est un véritable clin d’œil en images sur un demi-siècle de cette épopée humaine et nationale forte en symbolique, qui unit tout le peuple marocain derrière son Sahara. La nuit, un petit sac sur le dos, un coran, de l’eau, des dattes et une radio comme seuls viatiques pour traverser une partie du désert entre l’Algérie et le Sahara marocain, des hommes filent dans le désert vers la terre promise. La caméra suit la marche de ces hommes et de ces femmes passant d’une dune de sable à une autre, sans boussole, sans carte, sans le moindre repère. Ils marchent la nuit et se cachent le jour, là où ils le peuvent, pour éviter les patrouilles du désert et les brigands qui officient dans toute cette région coupée de toute civilisation. Plus le temps passe dans le Sahara, dans l’immensité de ce territoire hostile, sous le soleil ardent et dans la solitude de la nuit, plus les évadés perdent leurs moyens. La peur, la faim, la fatigue, les hallucinations, les dangers face aux reptiles et autres scorpions, cette errance devient une véritable lutte pour la survie !
Le Temps : Pour vous, cette évasion est aussi une traversée du désert dans le sens plein du terme !
Abdelhak Najib : Exactement. Partis de la prison de Tindouf, après toute une vie comme détenus et comme esclaves, cette évasion devient aussi un pèlerinage pour quelques hommes et quelques femmes qui vont à la recherche d’eux-mêmes, puisant dans leurs limites pour se dépasser et ne jamais abdiquer, quitte à y laisser la vie. Adam, Nouh, Mariam, Fatema, Mohamed, Brahim, Driss, Daoud, Saleh et les autres sont des résistants qui ont été kidnappés et incarcérés pendant plus de 23 ans dans les camps de la torture de Rabouni, à Tindouf. Ils ont subi les pires tortures. Ils ont été assoiffés, affamés et traités pire que des bêtes de somme. Mais ils ont tous tenu ! Ils ont supporté le pire par amour pour la Patrie. Leur patience a fini par payer et ils ont réussi à éliminer leurs gardes et leurs geôliers pour fuir leur prison. En s’évadant, ils se saisissent de documents ultra-confidentiels qu’ils vont protéger au péril de leurs vies durant toute leur évasion et leur errance dans le désert.
Le Temps : Cette errance dans le sable est forte en symbolique. Pour vous, elle équivaut à une sorte de purgatoire, avant la renaissance ?
Abdelhak Najib : Oui, la rédemption qui précède toute renaissance : En effet, au fil des jours, les évadés passent par plusieurs états frôlant la folie, riant comme des démons, pleurant, se roulant dans le sable, s’enterrant vivants, livrant combat contre un scorpion et un serpent pour lesquels ils vont se prendre d’affection étant les seules créatures qu’ils ont rencontrées dans l’immensité du vide depuis leur fuite. Ils arrivent tout de même à garder toute leur tête en gardant un contact avec le monde à travers une radio. Mais très vite, les batteries sont épuisées. Désespoir, abattement, lassitude, épuisement du corps et du mental. Puis, les évadés entrent, chacun à son tour et à sa façon, dans un dialogue monologué avec lui-même et avec la radio qui ne marche pas. Les hommes et les femmes, à tour de rôle, feignent une émission sur la libération de Tindouf. Ils créent un programme sur les festivités de la Marche Verte, ils suivent un match de football imaginaire, ils réagissent, ils crient, ils rouspètent, ils sautent de joie quand leur équipe gagne… Les jours et les nuits passent. Les évadés s’approchent d’un hameau désaffecté. Ils n’ont plus la force d’avancer. Ils attendent la nuit pour puiser dans leurs dernières forces pour s’y glisser. Ils marchent, ils rampent sur le sable, jusqu’à l’évanouissement. Quand l’un d’eux revient à lui-même, il voit un fusil pointé sur sa tempe. C’est un militaire…
Le Temps : Vous avez signé là un film à la fois historique et philosophique, sur la quête de la liberté par un groupe de damnés de la terre, finalement…
Abdelhak Najib : Tout à fait. Le cinéma, quand il se penche sur l’Histoire, va au-delà de l’historicité des faits, qui est très présente dans le film. Ce qui est essentiel dans cet opus, c’est sa dimension humaine. Ce sont les personnages qui incarnent cette histoire humaine tragique. Ce qui est important, c’est la volonté incassable des hommes et des femmes pour retrouver leur liberté. C’est leur force mentale, leur abnégation, leur résilience, leur solidité malgré les tortures, la faim et le désespoir. C’est leur esprit qui a accusé des coups terribles mais n’a jamais abdiqué, comme dans cette scène où le tortionnaire du «Polisario» brûle le manuscrit de l’un des détenus pour le briser. Celui-ci lui dit qu’on peut le brûler vif, brûler sa chair et ses os, mais personne ne peut annihiler la force de son esprit. Cette phrase résume tout l’esprit de ce film !
Le Temps : Vous avez écrit le film, vous le produisez et vous en êtes le réalisateur. C’est un défi pour vous, qui avez toujours écrit sur le cinéma, depuis plus de trois décennies ?
Abdelhak Najib : J’ai porté ce film en moi, depuis de longues années. Mon père était résistant. Ma mère, mes oncles et mes tantes ont fait la Marche Verte. L’amour de la Patrie fait partie de l’ADN de notre famille. Après plus de 30 ans de critique du cinéma, je suis assez mature et j’ai assez de recul pour pouvoir faire un film. Je l’ai écrit avec mon co-scénariste, Karim Oujil, qui a fait un excellent travail. Et je n’aurai pas pu produire ce film, qui est une autoproduction, sans le concours de Fatima Zahra Ouriaghli et Leila Ouriaghli, de Iktisadkom et Finances News Hebdo, ainsi que tout leur groupe. Je n’aurai pas pu rendre ce film concret sans la collaboration de Docteur Imane Kendili et de Docteur Nabil Bouzoubaâ, qui ont mis des fonds pour rendre ce projet possible. Et je n’aurai pas pu finir ce film sans le soutien et l’amitié de mes équipes et surtout des acteurs qui ont cru en ce projet : Driss Roukhe, Mohamed Choubi, Rafik Boubker, Kamal Haimoud, Mohcine Mountaki et tous les autres. Sans oublier la cheville ouvrière de ce projet, mon Directeur de Production, Adil Raked. Comme vous le voyez, c’est le concours de tous qui a donné corps à ce film que l’on dédie à Sa Majesté le Roi, à tout le peuple marocain et aux martyrs de la Patrie.